samedi 26 décembre 2009

Joyeuses fêtes

Tous les sites et blogs y vont de leurs "Joyeuses Fêtes", ou "Bonne année", mais il serait anormal que je me laisse aller à cette forme de superstition. Il vaut mieux, sans doute, chercher à comprendre.

Pourquoi faire des voeux ? "Tout ce qui est du domaine du vivant doit être interprété en termes de biologie de l'évolution", disait Theodosius Dobzhansky. Le voeu, c'est une forme de relation sociale, et l'on sait, notamment avec internet et ses réseaux, combien cette tentation du lien est importante.

Reste à savoir si l'être humain a mieux à proposer que cette interprétation évolutive terrible... et à vous souhaiter une très bonne année!

jeudi 24 décembre 2009

Un champ largement en friche

La forme "blog" conduit parfois à d'étranges choses. Je m'aperçois que, ayant voulu expliquer une partie du projet de la gastronomie moléculaire, lors d'un précédent billet, la construction de l'affaire m'a détourné d'une idée que je crois utile d'afficher.

A savoir que la cuisine est, pour la science, un champ très largement inexploré... ce qui la rend particulièrement intéressante (en plus de ses "vertus gourmandes").

Oui, l'ambition de la science, c'est (classiquement, mais on pourra y revenir) de lever un coin du grand voile, de faire des "découvertes", de comprendre les mécanismes des phénomènes.

De ce fait, il y a une méthode qui consiste à reprendre inlassablement les théories, toujours insuffisantes, pour les affiner, les réfuter, les préciser...

Cependant, il y a aussi la possibilité d'aller examiner des phénomènes qui ont été négligés... comme la transformation culinaire. Evidemment, il serait naïf ou ignorant de croire que la science ne s'est jamais intéressée aux transformations culinaires, mais il faut aussi rappeler que, si nous avons créé la gastronomie moléculaire, dès les années 1980, c'est précisément parce que les sciences des aliments avaient dérivé vers la connaissance fine des ingrédients, d'une part, et l'exploration des procédés industriels d'autre part. La cuisine n'était pas étudiée.

Une preuve? Le livre classique (et excellent) intitulé Food Chemistry, dans sa version de 1999, contient très peu de choses sur la cuisson des viandes, et rien sur les transformations des vins quand on les cuit. Or on sait que les viandes sont faites pour être cuites, et que les vins sont indispensables en cuisine, pas seulement sur la table, dans les verres!

Bref, la gastronomie moléculaire considère la cuisine surtout par le nombre considérable de phénomènes qu'elle fait apparaître, lors des transformations.

Ce sont des phénomènes inédits que la gastronomie moléculaire peut espérer découvrir, et des mécanismes inconnus, de ces phénomènes inédits.

Tout cela, c'est de la science, et pas de la cuisine, mais il n'est pas interdit que les deux champs collaborent!

mercredi 23 décembre 2009

Un débat à venir

Vous savez que je pose souvent des questions gênantes. Par exemple, il y a cette question du "beau produit" qu'il faudrait "respecter".

Je m'étonne toujours de ces mots, parce que les grands peintres font des œuvres superbes avec un simple fusain.

Pourquoi la cuisine serait-elle différente? Pourquoi un vrai artiste culinaire ne pourrait-il pas faire du très bon avec des produits "ordinaires"?

En réalité, la question c'est : qu'est-ce qu'un bon produit? Qu'est-ce qu'un produit "ordinaire".

Et faut il vraiment du bon pour faire du très bon?

Tel sera le thème d'un débat auquel je vous invite à assister, et qui réunira :

Jean-Pierre Lepeltier (cuisinier)

Pierre Gagnaire (cuisinier)

René Zakine (inspecteur honoraire de l'agriculture)



Sous la houlette de Vincent Olivier (L'express)


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dimanche 20 décembre 2009

Un powerpoint en ligne

Un correspondant amical vient de laisser un message demandant que je mette en ligne la présentation faite à l'Imperial College de Londres, il y a quelques jours.

Oui, il a raison : je la mets sur le site : http://www.agroparistech.fr/Des-conferences.html

Rire, pleurer, être en colère...

Un paradoxe : alors que n'importe quel drame fait sortir des salles entières de cinéma en larmes, alors que les salles d'opéré sont pleines de mélomanes chavirés, nos salles de cours, dans les établissements d'enseignement, laissent les étudiants de marbre.

Pourtant, il est largement admis que les professeurs doivent se donner, autant que des acteurs, pour faire passer les matières ; il est largement admis qu'il faut faire vivre la classe pour que les prétendus apprenants apprennent!

Et si l'on avait tout faux? Et s'il fallait d'abord faire rire, pleurer, mettre en colère... les élèves? Rires, c'est facile : le moindre calembour proféré au milieu d'une démonstration mathématique a le cocasse nécessaire (interrogeons-nous d'ailleurs sur ce cocasse). Pleurer? Quel enseignant a déjà réussi ce tour de force? Je veux dire évidemment : pleurer d'émotion, pas d'humiliation ni de coups!

Et les autres sentiments : quel enseignant a réussi à les faire naître au milieu de son cours de chimie, de physique? Comment? Pourquoi?

Ne devrions-nous pas commencer la nouvelle année par un enseignement enfin renouvelé?

jeudi 17 décembre 2009

La cuisine moléculaire peut-elle améliorer la cuisine traditionnelle?

Je sais qu'il y a des questions qu'il ne faut pas poser (par exemple, celle qui sera examinée le 8 février : "faut-il vraiment du bon pour faire du très bon?"), mais je ne cesse de recevoir la suivante :

La cuisine moléculaire peut-elle améliorer la cuisine traditionnelle ?

Puisque ce n'est pas moi qui la pose, je peux essayer d'y répondre.

D'une part, oui, on sait ce qu'est la cuisine moléculaire : c'est une cuisine qui fait usage de nouveaux ustensiles, de nouveaux ingrédients, de nouvelles méthodes.
En revanche, on ne sait pas bien ce qu'est la cuisine traditionnelle : la tradition des Provençaux n'est pas celle des Bretons, et la tradition des Normands n'est pas celle des Alsaciens.
Même entre deux régions voisines, les traditions diffèrent : pensons à la Lorraine et à l'Alsace.

Pis encore, les traditions changent selon les familles d'une même région, voire entre les individus d'une même famille. Par exemple, je célèbre Saint Nicolas, et pas mon frère.

Bref, je ne sais pas ce qu'est la cuisine traditionnelle, et je crois même qu'elle n'existe pas.

Et si l'on changeait maintenant la question pour :

La cuisine moléculaire peut-elle améliorer la cuisine classique ?

Cette fois, le classique peut être considéré comme ce qu'il y a dans les livres. C'est mieux défini.
La cuisine moléculaire peut-elle améliorer la cuisine classique?

Prenons une comparaison : le jazz peut-il améliorer la musique classique? La peinture abstraite peut-elle améliorer la peinture classique?
La question est intéressante, parce qu'elle est en réalité sans sens. Si la cuisine moléculaire n'est pas la cuisine classique, mais séparée d'elle, comment pourrait-elle l'améliorer?

Ce que l'on peut dire, c'est que le répertoire musical s'est enrichi, embelli, quand le jazz, la musique sérielle, etc. se sont ajoutés à la musique classique. Jean-Sébastien Bach toute la journée, c'est bien mais lassant. Avec en plus Mozart, c'est mieux. Avec en plus Debussy, c'est encore mieux. Avec en plus Messiaen, Saint-Saens, Isoir, etc., le bonheur ne cesse d'augmenter.

En cuisine, n'est ce pas pareil : ne devons nous pas être heureux d'avoir aujourd'hui toutes les cuisines, de toutes les époques, et, en plus, la cuisine moléculaire?

D'un point de vue technique, d'autre part, il est certain que cuisiner avec des pots de terre qui cassent, c'est pénible. Si l'on ajoute des casseroles en inox (qui ne rouillent pas, qui ne cassent pas!), c'est bien mieux. Et si l'on ajoute des matériels modernes, c'est comme si l'on s'éclairait à l'électricité au lieu de s'éclairer à la bougie!

Donc oui, résolument, la cuisine moléculaire est un bel ajout à la cuisine. Non pas à la cuisine classique, mais tout simplement à la cuisine.

A noter que la bonne cuisine moléculaire est bonne, et la mauvaise cuisine moléculaire est mauvaise, mais que la bonne cuisine classique est bonne, et la mauvaise cuisine classique est mauvaise.

Ne devons-nous pas questionner les questions?

Enfin, n'oublions pas de lutter contre les questions idiotes : préfères-tu les pommes ou les poires? Je préfère les framboises!

vendredi 11 décembre 2009

Des mots

Terrible impression de m'être fait piégé : je me suis retrouvé publiquement, aujourd'hui, à la même table que des "scientifiques" qui évoquaient des vibrations des molécules lesquelles auraient rejailli sur la santé, de grandes "résonances", etc.

Du discours, de la poésie, de l'aveuglement ou de la fraude?

Evidemment, on m'a argumenté que Galilée et Einstein avaient révolutionné la science en réfutant la science ancienne... mais est-ce un vrai argument?
Evidemment, on m'a argumenté des publications dans des revues... mais je rappelle que tous les rapporteurs ne font pas bien leur travail, et qu'il est passé des tas de publications foireuses : l'eau superlourde, les rayons N, et bien d'autres.

Pardon, chers amis, de faire état de ces états d'âme, mais la question est posée : comment expliquer à un public exposé à de l'incompréhensible sans doute faux qu'il s'agit d'élucubrations insensées?

A ce stade, j'entends ma correspondante qui me reprochait de dire du mal de la théorie non scientifique (je le maintiens) du "food pairing", et qui était déçue que je sois moins positif que d'habitude. Ici, je vois que je viens de perdre à nouveaux des amis : tous ceux qui soutiennent des théories "farfelues", et qui considère que la "science officielle" est dogmatique, parce qu'elle n'accepte pas leurs élucubrations (évidemment, il y a alors le syndrome de l'incompris, voire du persécuté, qui pointe son nez aussitôt).

Désolé, mais je ne suis pas prêt à accepter que l'on promeuve devant nos enfants n'importe quelle théorie idiote : "N'est-il pas honteux que les fanatiques aient du zèle et que les autres n'en aient pas?", disait justement Voltaire?

Pourfendons les théories fausses! Ne laissons pas s'installer les confusions... qui profitent toujours aux malhonnêtes.

Luttons pour de la belle connaissance!

samedi 28 novembre 2009

Une question de projet

Au cours d'une discussion avec mon ami Pierre (Gagnaire), il m'invite à m'expliquer sur le projet de la gastronomie moléculaire, parce que je répondais à un tiers présent que la science m'intéresse plus que la cuisine.

En réalité, la question est plus une question personnelle qu'une question de projet scientifique, parce que la gastronomie moléculaire, en tant que discipline, n'a pas à aimer ou non la cuisine : elle se contente d'être la discipline scientifique qui explore les phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires... et dans son exercice, elle est de la science, où la cuisine est loin.
Pour preuve : nous n'avons pas de casseroles au laboratoire, et nous ne mangeons pas.

Je sais, tout cela manque de gourmandise, mais après tout, est-ce étonnant : les concepts ne sont ni gourmands ni austères ; ce sont des concepts.


D'autre part, la question du projet personnel ne devrait pas être abordée : le "moi" est haïssable, n'est-ce pas?
Toutefois, si Pierre juge intéressant que je donne ma vision des choses, c'est sans doute qu'il en ressent le besoin.
Gourmand? Certainement.
Cuisinier? Je cuisine chaque jour... mais, comme un peintre du dimanche face à Rembrandt, comment dire que l'on est cuisinier?
En réalité, la cuisine n'est quasiment pour rien dans le travail lui-même, qui est un travail de science, et se détache entièrement de la cuisine.

Oui, j'adore les équations aux dérivées partielles, les mécanismes de chimie organique, la physico-chimie, en bref. J'adore à la fois l'aspect expérimental, qui doit être parfaitement maîtrisé sous peine que les calculs ne vaillent rien, et le versant théorique, de modélisation, qui est en constante interaction avec la pratique expérimentale.
Oui, la science est une activité complète, merveilleuse.

D'ailleurs, il y avait écrit sur mon mur cette phrase prise sur la poutre du Musée du compagnonnage de Tours "La tête guide la main"... mais je l'ai barrée, parce que je viens de comprendre qu'elle n'est pas juste : ce n'est pas la tête qui guide la main, ou la main qui donne les sensations à la tête... parce que la tête et la main ne sont pas dissociables. Au centre du projet, il y a l'individu tout entier, qui pense et agit, pensant parce qu'il agit et agissant parce qu'il pense...


Mais voilà des matières bien sérieuses pour quelqu'un qui prône un peu de jovialité. Laissons nous donc aller à la gourmandise!

samedi 21 novembre 2009

On ne convainc jamais, hélas

Un correspondant, donc un "ami", me signale que si mes livres sont positifs, le billet récent consacré au prétendu "food pairing" est méprisant, négatif...

Il a raison : j'ai tort de vouloir convaincre!
Mais c'est vrai aussi que je supporte mal que mes amis se fourvoient, alors que l'on peut démontrer qu'ils se fourvoient.

Oui, laissons nos amis faire leur propre chemin, et contentons nous d'admirer ce qui est admirable, en laissant de côté ce qui n'est pas inintéressant, ou faux, ou malhonnête. Focalisons les regards sur des choses merveilleuses.

Tien, aujourd'hui, laissez moi vous entretenir de la beauté d'une loi de physico-chimie découverte par Louis Joseph Gay-Lussac : le volume d'une "mole" de gaz, dans les conditions ordinaires de pression et de température, est de 22,4 litres.

C'est quelque chose d'extraordinaire, parce que c'est vrai -de façon approchée- pour tous les gaz. Quelle beauté!

Et en cuisine? En cuisine, il faut penser que la vapeur d'eau n'est pas à 20°C, à la pression ambiante, sans quoi les molécules d'eau se recondensent, et le gaz n'est plus un gaz, mais de l'eau liquide.

D'où la question : comment calculer le volume d'une mole d'eau à 100 °C?


Ce type de questions "élémentaires" (pour un physico-chimiste) sont ce que je nomme des "questions du jour", au laboratoire : des incitations à penser, des invitations à calculer.

N'est pas ainsi que la physico-chimie est belle?

La question de la précision en cuisine!

La "cuisine note à note" pose mille questions passionnantes, et un ami lecteur de ce blog a souligné qu'elle pose une question environnementale.

La séparation des ingrédients des tissus végétaux ou animaux conduirait à un coût environnemental plus grand que la cuisine classique ?

C'est très discutable : en effet, un cuisinier qui réduit un fonds utilise une quantité considérable d'énergie, et il n'est pas certain qu'un procédé d'extraction bien pensé consomme plus d'énergie que ces procédés artisanaux qui n'ont jamais été réfléchis dans ces termes. D'ailleurs je ne donne donc pas ici de réponse péremptoire, mais je pose la question à la communauté : le commentaire laissé par notre ami est-il exact ? Et j'attends une réponse en termes quantitatifs, le seul type de réponses qui me satisfasse vraiment... En faisant remarquer que les bilans carbone sont parfois bien difficiles à calculer.

Aujourd'hui, toutefois, ce n'est pas la question de l'environnement qui me préoccupe, mais la question de la précision en cuisine. Avant d'être négatif, soyons positifs. Avant d'avoir peur, avançons.

La cuisine note à note est beaucoup plus précise que la cuisine classique. En effet, dans la cuisine classique, le cuisinier est tributaire d'ingrédients dont il ne connaît pas la composition. Si la carotte est très sucrée, le plat sera plus sucré que si la carotte est moins sucrée.
Bien sûr, le cuisinier peut ajouter du sucre en quantité bien déterminée, mais quand on cuisine avec des composés, c'est chaque composé qui est ajouté dans la quantité exactement voulue.
De la sorte, tout est parfaitement contrôlé : les saveurs bien sûr, mais aussi les odeurs, les consistances...

mercredi 18 novembre 2009

Cuisine "note à note" : les questions de nutrition

Pour être en bonne santé, il faut notamment que notre alimentation ne soit pas déficiente en composés indispensables : protéines, lipides, saccharides, vitamines, oligo-éléments...
La cuisine note à note satisfera-t-elle nos besoins vitaux?

Il est amusant de se poser cette question, alors que la cuisine classique ne l'a pas posée. Il est bien difficile de vivre de la cuisine des restaurants étoilés, tant les goûts sont puissants, et les menus déséquilibrés, souvent. En effet, cette cuisine est une cuisine d'exception... sauf exception, et elle n'est pas faite pour être une cuisine du quotidien. Or c'est la variété qui, seule, peut nous sauver, en nous donnant tout ce que nous devons consommer.

De même, la cuisine note à note, bien sûr, peut se préoccuper de nous apporter des composés intéressants dans des quantités appropriées, mais elle n'a peut-être pas l'ambition de nous fournir un régime équilibré. Tout comme la cuisine d'apparat, on peut imaginer qu'elle soit exceptionnelle, et que, de ce point de vue, elle n'ait pas à nous apporter tout ce dont nous avons besoin.

D'ailleurs, cette observation devrait rassurer les craintifs : cette cuisine note à note ne remplacera pas la cuisine classique, pas plus que la cuisine moléculaire ne remplacera la cuisine classique ; il s'agit simplement d'augmenter la variété des possibilités culinaires, d'ajouter... des notes au piano des cuisiniers!

La cuisine note à note : pour demain si l'on comprend bien l'entreprise

L’expérience me prouve qu’il ne suffit pas de dire que la « cuisine moléculaire » est dépassée par la « cuisine note à note » pour que cela suffise à développer cette dernière : alors que j’étais avec des amis intéressés par toutes ces affaires, la terminologie « cuisine note à note » a suscité la question : de quoi s’agit-il, au juste ?
Apparemment, donc, je n’ai pas suffisamment expliqué les « règles du jeu ». Je le fais ici.

D’abord, débarrassons-nous de la cuisine moléculaire en rabâchant qu’il s’agit d’une cuisine qui fait usage de « nouveaux » ustensiles, de nouveaux ingrédients, de nouvelles méthodes. Je mets « nouveaux » entre guillemets, parce que ce qui était nouveau en 1980 ne l’est plus aujourd’hui, d’une part, et, aussi, parce que les « nouveautés » qui s’introduisent aujourd’hui (évaporateurs rotatifs, cryoconcentrateurs, etc.) sont déjà introduites depuis longtemps dans d’autres cercles que ceux de la cuisine. Il ne s’agit de nouveautés que pour le monde culinaire : il est juste de dire que ces matériels, ingrédients, méthodes, n’étaient pas mentionnés dans le Guide culinaire, par exemple, ni dans La cuisine du marché (Paul Bocuse, Flammarion, 1976).

Passons donc rapidement sur cette affaire de cuisine moléculaire pour arriver à la « cuisine note à note ». Cette dernière utilise ou non des nouveaux ingrédients, de nouvelles techniques, de nouveaux ustensiles : peu importe… La règle, c’est de construire le plat à partir de composés purs.
Des composés purs ? Nous en utilisons déjà de nombreux : l’eau, le chlorure de sodium, le saccharose (que l’on nomme abusivement « sucre de table », en oubliant que le glucose ou le fructose, par exemple, seraient des composés tout aussi légitimes, pour recevoir ce surnom), le glucose (c’est une poudre blanche, et non un sirop, lequel s’obtient par ajout d’eau à du glucose), le fructose, l’acide tartrique, l’acide citrique…
Bref, nous connaissons une foule de composés, nous en utilisons beaucoup, déjà, et la cuisine note à note préconise de n’utiliser qu’eux pour construire des plats.

C’est donc beaucoup plus difficile que de griller un steak ou même que de faire un coq au vin… parce que tout est à faire : à partir de ces poudres, de ces liquides, il faut réaliser des couleurs, des consistances, des saveurs, des odeurs, des goûts, enfin. Comme si le peintre partait des couleurs élémentaires pour arriver à des peintures, au lieu de partir de couleurs déjà constituées. On remarquera que le travail à faire est donc le même que celui qui fut entrepris par les acousticiens de l’IRCAM, il y a plusieurs décennies, quand les progrès de l’électronique permirent de construire les sons, pour ensuite faire des musiques. Il y eut, alors, des œuvres d’une modernité inouïe !
La musique produit était-elle belle ? En réalité, il ne faut pas confondre le principe et sa réalisation. Le principe est ce qu’il est, et, avec lui, on peut faire du « beau » ou du « laid »… et ce n’est pas le principe qui est en cause, mais le travail qui a produit l’œuvre. Il en sera de même avec la cuisine note à note.

Ce que je peux assurer, c’est qu’un continent encore inconnu est devant nous. Il faudra apprendre à l’explorer, sans empoisonner personne ! Car il y a du danger, tout comme quand on utilise de l’azote liquide… ou comme quand on utilise un couteau.
Et les questions abondent : des questions de nutrition, des questions de toxicologie, des questions économiques, des questions techniques, des questions politiques…
Les questions de nutrition : si l’on assemble complètement les composés des mets, comment s’assurer que tous ceux qui sont vitalement indispensables sont présents ?
Les questions de toxicologie : comment être certain que des composés qui ne semblent pas toxiques, dans les tissus végétaux ou animaux utilisés aujourd’hui ne le deviendront pas s’ils sont isolés ?
Les questions économiques : combien coûtera cette cuisine, en produits, en main d’œuvre…
Les questions techniques : comment obtenir les consistances désirées, les goûts désirés ?
Les questions politiques : si l’on cesse d’utiliser des produits végétaux ou animaux, comment les agriculteurs pourront-ils vivre ?

Je sais bien que c’est le rôle de la science de poser de telles questions, mais il faut aussi donner des pistes. Je propose de ne pas faire de trop grosses bouchées, et de réserver des discussions de ces questions pour des billets suivants.

samedi 14 novembre 2009

Osons critiquer les Grands Anciens, en doutant de nous...

"Ne touchez pas aux idoles, il vous en restera de l'or aux doigts", me conseillait cette homme remarquable qu'était le chimiste Guy Ourisson (à l'enterrement de Pierre Potier, il avait dit "Il nous a laissé le privilège de l'avoir connu ; disons cela de Guy).

Bref, contester les Grands Anciens serait "dangereux"? C'est pourtant ce que fait la science en permanence.
Aujourd'hui, je propose de réfuter le grand Claude Bernard, qui écrit dans son Introduction à l'étude de la médecine expérimentale (Garnier-Flammarion, 1966, p. 176.):

« La théorie est l’hypothèse vérifiée après qu’elle a été soumise au contrôle du raisonnement et de la critique. Une théorie, pour rester bonne, doit toujours se modifier avec le progrès de la science et demeurer constamment soumise à la vérification et la critique des faits nouveaux qui apparaissent. Si l’on considérait une théorie comme parfaite, et si on cessait de la vérifier par l’expérience scientifique, elle deviendrait une doctrine ».

Je propose le changement suivant :

« La théorie scientifique est l’hypothèse passée au tamis de la recherche de la réfutation, et donc de la quantification des phénomènes. Une théorie est toujours fausse, doit donc toujours se modifier : c’est là le progrès de la science. Si l’on considérait une théorie comme parfaite, et si on cessait de la réfuter par l’expérience scientifique, elle deviendrait une doctrine."

Vive la chimie!

mercredi 11 novembre 2009

Une ligne de conduite

Quelques étudiants me font beaucoup d'honneur, d'amitié et de plaisir en se transmettant un document qui réunit des monitions affichées dans notre laboratoire et, plus exactement, dans l'Equipe de gastronomie moléculaire.

Ces citations sont souvent attribuées (mais pas toujours, et si les attributions sont fautives ou manquantes, merci de m'aider à rectifier), et la discussion avec un étudiant me pousse à les donner ici. Plusieurs d'entre elles sont une façon de redire les valeurs qui animent notre travail scientifique (le "nous" n'est pas de majesté : il désigne l'ensemble des étudiants qui travaillent dans l'équipe... et je rappelle que le grand Michel Eugène Chevreul se disait, à l'âge de 100 ans, le "doyen des étudiants de Paris").

Voici la chose :

Quelques idées pour aider à se supporter
quand on se voit dans un miroir



IL FAUT S’AMUSER A FAIRE DES CHOSES PASSIONNANTES
H. This

Nous sommes ce que nous faisons : quel est ton agenda ?
H. This

Une colonne vertébrale !
H. This

Toujours considérer les résultats particuliers que l’on obtient comme la « projection » de cas généraux que nous devons inventer (abstraire et généraliser)
H. This

Quels sont les mécanismes ?
La science en général

Les mathématiques nous sauvent toujours : « Que nul ne séjourne ici s’il n’est géomètre »
Platon

Ne pas oublier de donner du bonheur.
H. This

Surtout ne pas manquer le moindre symptôme
H. This

Je ne sais pas, mais je cherche !
H. This

De quoi s’agit-il ?
Henri Cartier-Bresson

Puisque tout est toujours perfectible, que vais-je améliorer aujourd’hui ?
H. This

« Tenir le probable pour faux jusqu’à preuve du contraire ».
H. This ?

Combien ?
La science en général

D’r Schaffe het sussi Wurzel un Frucht
Proverbe alsacien modifié par H. This

Ni dieu ni maître

La devise des anarchistes

Tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait
?

La vie est trop courte pour mettre les brouillons au net : faisons des brouillons nets !
Jean Claude Risset

Se mettre un pas en arrière de soi même

?

Le summum de l’intelligence, c’est la bonté
(et la droiture)
Jorge Borgès

Regarder avec les yeux de l’esprit
H. This

Vérifier ce que l’on nous dit
Ne pas généraliser hâtivement
Ayez des collaborations
Y penser toujours
Entretenez des correspondances
Avoir toujours sur vous un calepin pour noter les idées
Ne pas participer à des controverses
Michael Faraday
et Isaac Waat

Penser avec humour des sujets sérieux (un sourire de la pensée)
H. This

« Comme chimiste, je passai cette oeuvre à la cornue ; il n'en resta que ceci : » ; se dissoudre dans, infuser, macérer, décoction, cristalliser, distiller, sublimer, purifier, alambiquer
Jean-Anthelme Brillat-Savarin

« Et c’est ainsi que la chimie est belle »
H. This d’après Alexandre Vialatte

Morgen Stund het Gold a Mund
Proverbe alsacien

Y penser toujours
Louis Pasteur

Ne pas confondre les faits et les interprétations
Elémentaire

Quand les lois sont mauvaises, il faut les changer
H. This

Un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant
Cicéron

Dieu vomit les tièdes
La Bible

La tête guide la main
Musée du compagnonnage, Tours

Le calcul!!!!
Tous les scientifiques dignes de ce nom

Tout changer à chaque instant (vers du mieux !)
H. This

Chercher des cercles vertueux
H. This

Comme le poête, le chimiste et le physicien doivent maîtriser les métaphores
H. This

Le moi est haïssable
Blaise Pascal

Quels mécanismes ?
La science en général

N’oublions pas que nos études (scientifiques) doivent être JOVIALES
Hervé This

L’enthousiasme est une maladie qui se gagne
Voltaire

Clarifions (Mehr Licht)
Goethe

Tu viens avec une question, mais quelle est la réponse (utilise la méthode du soliloque)
H. This

Pardon, je suis insuffisant, mais je me soigne
H. This

Comment faire d’un petit mal un grand bien ?
H. This

Le diable est caché derrière chaque geste expérimental, et derrière chaque calcul
H. This

Les questions sont des promesses de réponse (faut-il tenir ces promesses). Vive les questions étincelles
H. This

La méditation est si douce et l’expérience si fatigante que je ne suis point étonné que celui qui pense soit rarement celui qui expérimente
Diderot

Comment pourrais-je gouverner autruy, moi qui ne me gouverne pas moi-même
François Rabelais

Prouvons le mouvement en marchant !

vendredi 6 novembre 2009

A nouveau la théorie fausse du "food pairing"

Un commentaire sur ce blog me conduit à y revenir... avec une idée amusante, juste un clin d'oeil, qui contribue à montrer combien la théorie du "food pairing", l'appariement des ingrédients, est idiote :

Si cette théorie dit que c'est le degré de ressemblance entre les ingrédients qui détermine leur associabilité, il faut conclure que tout ingrédient doit parfaitement s'associer avec lui-même.

Quelle belle découverte! Quelle théorie puissante!

Une note à l'attention des amis étrangers qui lisent ce blog : attention, je suis capable de faire parfois un peu d'humour, de second degré: oui, je confirme ma pensée, en disant clairement que tout cela est sans intérêt.

D'ailleurs, dans un autre billet, je crois avoir dit que le propre d'une théorie scientifique, c'est d'être réfutable. C'est d'ailleurs parce que les théories scientifiques sont réfutables qu'elles sont intéressantes... et scientifiques : toute théorie scientifique est fausse, disons insuffisante, c'est ce qui cloche dans la théorie qui est passionnant.

Au contraire, avec les fausses sciences, qui s'affublent du nom trompeur de parasciences, il n'y a pas de réfutabilité, et l'on baigne dans le contentement de soi-même, la paresse, la prétention.

Vive la connaissance honnête, qui pousse à travailler, au lieu de se mettre à baver de contentement, couché sur le sol, comme le "sénateur" du roman de Boris Vian.

jeudi 5 novembre 2009

Arômes : j'y reviens

Un correspondant laisse un commentaire :

"Si un arôme est une sensation perçue par la voie retro nasale (donc pas exactement une odeur), comment peut -il se retrouver dans un flacon?
Un même mot pour deux significations?
Il y a de quoi s'y perdre..."

Oui, il y a de quoi s'y perdre, et c'est la raison pour laquelle je crois que nous devons combattre les mauvaises terminologie.
Un arôme, cela a toujours été (jusqu'à ce qu'une certaine industrie tente de s'en emparer) l'odeur d'une plante aromatique.

DONC :
- un arôme n'est pas spécifiquement rétronasal ou anténasal
- un arôme n'est en aucun cas un mélange de composés

C'est le sens d'un précédent billet : je propose que les produits utilisés pour donner du goût par l'industrie alimentaire n'aient plus le nom trompeur d'arômes, mais soient nommés, pour les raisons déjà évoqués, soit des "compositions", soit des "extraits".
L'honnêteté voudra que l'on nomme "composition" des mélanges savamment préparés, et que l'on nomme "extraits" des produits qui auront été extraits.

A noter que je n'ai rien contre les "compositions" et "extraits" : ceux qui sont bien faits sont... bien faits, et ceux qui sont mal faits sont... mal faits.
En revanche, je critique la confusion, et je condamne formellement toute ambiguité, en matière de commerce, d'artisanat ou d'industrie :


LES PRODUITS DOIVENT LOYAUX, MARCHANDS ET FRANCS!!!

vendredi 30 octobre 2009

Histoire de vanille (sans s, ou avec s à la fin du mot)

Une occasion d'être utile!!!

Je reçois d'un jeune pâtissier la question suivante :
"Je m'intéresse à la vanille en pâtisserie, et, notamment, aux différents arômes de vanille . J'aurai aimé avoir votre avis sur le choix entre des arômes naturels et de synthèses. Que choisir (indépendamment de l'aspect économique)? Dans les pâtisseries nous utilisons de la gousse. Est-ce justifié? Sommes-nous suffisamment éduqués pour faire la différence? Est-ce un problème d'éducation au goût ? Est-ce un phénomène de mode ?

Evidemment, je réponds sans attendre :

1. la vanille n'a rien à voir avec les "arômes", lesquels sont des produits au nom trompeur
2. la vanille est bonne si elle est bien préparée
3. certains "compositions" ou "extraits" ont un goût qui ressemble à la vanille ; je crois que c'est juste de les nommer "extraits de vanille", quand ce sont des extraits de vanille, mais je crois que c'est trompeur de les nommer "arômes vanille", quand il s'agit de composition qui contiennent des composés dont le mélange fait un goût qui ressemble à la vanille
4. il serait temps de reconnaître que des "aromes naturels" sont une tromperie
5. que choisir? Ce qui vous plait...
6. les pâtissiers utilisent la gousse? Pas tous.
7. est-il justifié que les pâtissiers utilisent la gousse? s'ils en ont l'envie... mais attention à ne pas, ensuite, tromper la clientèle en laissant penser qu'il y a de la vanille quand il n'y en a pas
8. sommes nous assez éduqués gustativement pour faire la différence? vraie question difficile, dans sa généralité
9. est-ce un phénomène de mode? quoi au juste?


Voilà le "menu" ; il faut maintenant que je développe :

1. la vanille n'a rien à voir avec les "arômes", lesquels sont des produits au nom trompeur :

La vanille, c'est ce que l'on obtient, classiquement, à partir de lianes, qui produisent des gousses que l'on fait sécher et fermenter. Les gousses brunies prennent un goût tout à fait remarquable, avec une odeur merveilleuse, et, aussi, une saveur de velours.
Quand on met la gousse dans un liquide (de l'eau, du lait, de la crème, du chocolat fondu, etc.), les molécules odorantes sont extraites, et les molécules sapides se dissolvent dans les solutions aqueuses. C'est d'ailleurs une découverte que je relate dans un article de la revue Pour la Science d'il y a quelques mois : on vient de découvrir certains des composés qui donnent le goût de velours.
L'odeur est due à une foule de composés différents, mais il est exact que l'un d'entre eux, la vanilline, est particulièrement important. La molécule de ce composé est petite, simple chimiquement... et les chimistes savent la synthétiser depuis longtemps, par des moyens variés, qui vont de la fermentation des aiguilles de pin, à des procédés parfaitement chimiques. La molécule est la même... mais l'odeur de la vanille ne se résume pas à celle de la vanilline : rappelez vous que j'ai annoncé que l'odeur de la vanille est due à tout un cocktail de composés différents.


2. la vanille est bonne si elle est bien préparée

La vanille n'est pas toujours de première qualité : imaginez que la fermentation ait été mal conduite! Il y a donc de belles vanilles bien faites, et d'autres qui sont mal faites.
Question difficile d'ailleurs que ce "bien fait" ou ce "mal fait", parce que l'on trouvera bien des individus qui préféreront la vanille pourrie à la vanille fermentée sans être pourrie.
D'ailleurs, il faut signaler que bien peu d'entre nous se préoccupent de la qualité toxicologique de la vanillle : on s'inquiète surtout de son goût!


3. certains "compositions" ou "extraits" ont un goût qui ressemble à la vanille ; je crois que c'est juste de les nommer "extraits de vanille", quand ce sont des extraits de vanille, mais je crois que c'est trompeur de les nommer "arômes vanille", quand il s'agit de composition qui contiennent des composés dont le mélange fait un goût qui ressemble à la vanille

Cela, c'est un gros morceau. Allons y doucement.
Tout d'abord, on nomme aujourd'hui "arômes" (je sais, la réglementation l'autorise) des produits qui, à mon sens, ne devraient pas porter ce nom.
Un arôme, en effet, c'est l'odeur d'un aromate, d'une plante aromatique.
Or ce que l'on nomme (abusivement, j'insiste) "arôme", ce sont de petits flacons qui contiennent des mélanges de deux types : soit ces mélanges ont été extraits, par divers moyens (extraction par distillation, dissolution dans de la matière grasse, dans du dioxyde de carbone supercritique, etc.). Ces extraits sont tous différents, et, notamment, tous différents de la vanille gousse. Chacun a un goût particulier, et une odeur particulière.
Sont-ils des arômes vanille? Non, puisque leur odeur n'est qu'une partie de celle de la vanille.
D'autre part, les parfumeurs savent faire des mélanges de molécules odorantes, mêlant des composés qu'ils trouvent (ou non) dans l'odeur de la vanille. Par exemple la vanilline, mais aussi l'éthylvanilline, qui sent encore plus la "vanille" que la vanille (en réalité, cela sent différent). Ces préparations sont des compositions, et elles peuvent mêler des molécules extraites de produits végétaux à des molécules de synthèse.
La vanilline de synthèse sent exactement comme la vanilline qui serait extraite de la vanille, donc, mais c'est le mélange qui sent différemment... parce qu'une copie de la Joconde ne sera pas la Joconde.
Il y a donc malhonnêteté tolérée par la loi à appeler "goût vanille" des produits qui ressemblent. Il vaudrait mieux dire "reproduction de la vanille", ou "copie de la vanille".



4. il serait temps de reconnaître que des "aromes naturels" sont une tromperie


Ici, il y a la question du "naturel", sur laquelle je me suis déjà exprimé souvent. Une gousse de vanille n'est pas naturelle, puisqu'il a fallu que des êtres humains fécondent la plante, récoltent les gousses, les fassent sécher, fermenter, etc. Tout cela, c'est du travail, et c'est donc artificiel.
De ce fait, les compositions et extraits reproduisant la vanille sont également artificiels. Il peut y avoir du travail bien fait, et du travail mal fait. Le travail bien fait me plait, l'autre non.


5. que choisir? Ce qui vous plait...


Quel produit choisir? Celui que vous préférez, car tous sont différents! Un extrait de vanille au dioxyde de carbone supercritique n'est pas une gousse, et une gousse n'est pas un flacon de vanilline pure, laquelle n'est pas l'éthylvanilline. Aucun n'est supérieur aux autres : en matière de goût, le seul juge, c'est soi-même.


6. les pâtissiers utilisent la gousse? Pas tous.


Oui, méfions-nous des généralisations. Certains pâtissiers utilisent de la vanilline, parce qu'ils aiment son goût, et ils ont raison, puisque c'est leur choix. Ce qui doit être interdit, c'est d'annoncer de la vanille quand il s'agit de vanilline... et inversement!



7. est-il justifié que les pâtissiers utilisent la gousse? s'ils en ont l'envie... mais attention à ne pas, ensuite, tromper la clientèle en laissant penser qu'il y a de la vanille quand il n'y en a pas


Rien à ajouter, j'ai tout dit plus haut à ce sujet, non? Mais je ne refuse pas d'expliquer plus s'il le faut...



8. sommes nous assez éduqués gustativement pour faire la différence? vraie question difficile, dans sa généralité


Oui, la question est difficile, parce que nous ne sommes pas tous égaux devant la vanille (ni le reste). Certains d'entre nous ont senti des milliers de gousses, se sont fait un nez, un palais, et ils peuvent faire la différence. Les autres non. Qu'en conclure?


9. est-ce un phénomène de mode? quoi au juste?


Au total, j'ai dû manquer des réponses, mais le message du jour est déjà long. Qui veut ajouter quelque chose?

jeudi 29 octobre 2009

Les "beaux produits" : un appel à discussion

Quelques amis m'en veulent d'avoir dit que le "produit" n'était rien, en cuisine, ou, du moins, qu'il ne devait être rien.

C'est exact que j'ai dit -car c'est vrai- que Rembrandt, Picasso, et bien d'autres ont fait des merveilleuses au fusain (un morceau de charbon, en quelque sorte!). C'est exact que mon ami musicien Daniel Humair fait un jazz remarquable avec des poireaux, des carottes, des casseroles... C'est exact que mon ami Pierre Gagnaire sait faire des choses époustouflantes avec des ingrédients simples. C'est exact que les boulangers partent souvent d'une simple farine pour faire des pains superbes.

Cela étant, il est également vrai qu'il y a un monde entre les tomates fades de mon supermarché, en hiver, et les tomates de mon voisin du Tarn, fendillées, mais sucrées, charnues... Mmmm....

Je pose la question : qu'est-ce qu'un beau produit?

Et je n'attends pas une simple description, mais plutôt une discussion, une justification.

Pourquoi, si un produit est sain (et cela ne se sent pas au goût : pensons aux Romains qui ajoutaient des sels de plomb toxiques à leurs vins pour leur donner un goût plus doux), n'est-il pas "beau"?

Prenons l'exemple d'un oeuf dur : en vertu de quelle loi un oeuf dur qui aurait son jaune cerné de vert, et une odeur soufrée, serait-il moins bon qu'un oeuf cuit moins de dix minutes?

C'est sincère : j'ignore la réponse à la question, depuis que j'ai croisé des amis qui préféraient l'oeuf cuit très longuement.

Appel à la discussion amicale : qu'est-ce qu'un beau produit?

Le "food pairing" : une théorie fausse... qui n'est pas scientifique, pour mille raisons

Un internaute amical envoie des informations sur une théorie nommée "food pairing", et je me vois dans l'obligation de faire quelques mises en garde.

Tout d'abord, en gros, cette théorie stipule que des "accords gustatifs" sont possibles quand deux ingrédients ont en commun une molécule odorante.

Cette théorie n'est pas scientifique, ni juste, pour de nombreuses raisons.

Tout d'abord, elle est contredite par l'expérience : chaque fois que j'ai demandé à mon ami Pierre Gagnaire d'associer deux ingrédients, il a fait une oeuvre superbe. Voir par exemple la recette "camembert+framboise", que nous avons donnée dans notre livre La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob).

Ensuite, cette théorie n'est pas scientifique, parce qu'elle n'est pas réfutable : on pourra (presque) toujours trouver des traces de composés présents dans deux ingrédients pris au hasard, tant les composés odorants sont nombreux, dans les aliments. Rappelons, en effet, que nos aliments sont le plus souvent dérivés de tissus (animaux ou végétaux), lesquels ont des parties métaboliques communes.

Les quelques amis qui soutenaient cette théorie fausse, poussés dans leurs retranchements, ont fini par admettre qu'il s'agissait seulement d'une source d'inspiration artistique. Dit ainsi, pourquoi pas... L'art a des voies dont je n'ai pas à juger, puisque je ne suis que chimiste!

samedi 17 octobre 2009

Décidément, je ne sais pas comment dire les choses

Un blog sur lequel je réponds à des internautes m'interroge sur des livres que j'ai publiés, d'une part ; d'autre part, des discussions avec des lecteurs me montrent que des éclaircissements sont nécessaires ; enfin, un commentaire sur ce blog, à propos de la redondance des livres contribue à me décider.

D'abord :

- les différents livres disent des choses différentes, à des moments différents, et je corrige ce qui doit l'être, chaque fois
- les différents livres s'adressent à des "amis" différents : on ne doit pas écrire un livre pour des amis scientifiques comme on écrit un livre pour des amis cuisiniers, ou pour des amis enfants, ou encore pour des amis ingénieurs.

Donc, de la redondance, certes, mais on ne peut pas m'en vouloir de m'évertuer à parler le langage de mes interlocuteurs.


De surcroît, voici très honnêtement l'état des choses :

1. Les secrets de la casserole : normalement, il se lit facilement, il doit piquer la curiosité de tous ; il était périmé par endroits, et la nouvelle édition a rectifié les "erreurs", en fonction de l'avancement des travaux scientifiques

2. Révélations gastronomiques : la suite, sous un format différent

3. La casserole des enfants : pour les enfants... mais je sais que des adultes se sont amusés à le lire

4. Casserole et éprouvettes
5. De la science au fourneau :
deux livres plus difficiles, pour un public différent

6. Traité élémentaire de cuisine : le livre avait été fait en vue de la réforme des CAP, pour les professeurs notamment ; je crois que les élèves des lycées hôteliers devraient tous l'avoir!

7. La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique : c'est le livre que je préfère, parce qu'il parle d'art culinaire, qu'il est "écrit", qu'il est "historique", en ce sens que, à ma connaissance, c'est le premier traité d'esthétiquque culinaire de l'histoire de la gastronomie (attention : esthétique ne signifie pas "beau à voir", mais "beau à manger", c'est-à-dire "bon"

8. Alchimistes aux fourneaux : un beau livre, et surtout la réédition d'un livre ancien, de Nicolas de Bonnefons. Ce dernier était un personnage remarquable, et c'est son texte que j'invite à lire, et pas le mien. De merveilleuses photographies par Rip Hopkins

9. Cours de gastronomie moléculaire 1 : science, technologie, technique, quelles relations : un livre pour des élèves ingénieur... mais c'est vrai que j'ai rassemblé toutes mes inventions (disons, certaines), avec des catégories, pour enseigner à inventer

10. j'en oublie, comme
- Six lettres gourmandes : introuvable, livre de collection, excessivement cher
- Construisons un repas : très simple à lire, des choses sur le constructivisme culinaire, ou sur la prochaine cuisine note à note; des réponses à des questions transmises par Marie-Odile Monchicourt.


Vive la connaissance!

lundi 5 octobre 2009

Le Petit Robert nous fait beaucoup d'honneur... mais

Alors que Paris et la France sont pleins d'affiches signalant que l'expression "cuisine moléculaire" s'introduit, je suis désolé d'envoyer au Petit Robert le courrier suivant :

Monsieur le Directeur,


Le Petit Robert m’honore indirectement en introduisant l’expression « cuisine moléculaire » dans ses pages et ses publicités, mais je suis désolé de vous signaler une erreur dans la définition, que vous donnez :

« approche scientifique de la cuisine basée sur l'études des réactions physicochimiques à l'oeuvre lors de la préparation des plats et qui consiste à modifier naturellement la teneur moléculaire des aliments »

En effet, la cuisine moléculaire n’est pas une approche scientifique de la cuisine, mais « une mode culinaire qui fait usage de résultats de la science, et introduit de «nouveaux » ingrédients, méthodes, ustensiles ; le terme « nouveau » est évidemment imprécis, mais il désigne ce qui n’était pas présent en cuisine, en France et dans les pays d’Occident, avant les années 1980.
D’autre part, je suis surpris que votre définition utilise un « basé sur », qui, bien qu’admis, choque des puristes qui préféreraient un « fondé sur ».
Ce n’est hélas pas tout : la cuisine moléculaire ne cherche pas à modifier « naturellement » la teneur moléculaire des aliments, expression qui n’a pas de sesn, car toute intervention humaine est artificielle, et non naturelle, par définition. Enfin, je crains que vos rédacteurs n’aient fait une confusion entre cuisine moléculaire, d’une part, et gastronomie moléculaire, d’autre part. Je préfère vous donner des définitions justes, pour une prochaine édition :

Gastronomie moléculaire : discipline scientifique, branche de la physico-chimie, qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires (introduite en 1988 par le physicien britannique Nicholas Kurti et par le chimiste français Hervé This).

Cuisine moléculaire : mode culinaire qui utilise les résultats de la gastronomie moléculaire, et contribue à rénover les techniques culinaires.




Croyez, Monsieur le Directeur, à mes sentiments distingués.

samedi 26 septembre 2009

Un texte de l'Humanité qui n'a pas été publié

Dernier document préparé pour l'Humanité, mais le nombre de jours dans la semaine étant inférieur à mon énergie (si l'on peut dire), il n'a pas fait l'objet d'une publication.

Pour autant, je ne crois pas qu'il soit indigne :



Dans cette satire sociale et politique que sont les Voyages de Gulliver, l’écrivain irlandais Jonathan Swift montre deux peuples qui s’affrontent pour savoir par quel bout on doit ouvrir un œuf dur : les gros boutistes luttent à mort contre les petit boutistes.
Est-ce bien raisonnable ? Les études historiques montrent que, trop souvent, les combats pour des vétilles alimentaires de ce type sont un rejet de l’ « étranger ». Pour les Grecs, les barbares étaient ceux qui ne mangeaient pas comme les Grecs, et, bien souvent, les conquérants se hâtaient d’imposer aux vaincus leurs façons de table. Doit-on mettre les mains sur la table ? sous la table ? est-il supportable de poser le pain à l’envers ? doit-on rompre le pain ou le couper ? Se comporter d’une certaine façon, à table, c’est montrer la culture à laquelle on appartient… et c’est souvent être enfant.
Pourquoi certains mangent-ils des fromages qui sentent les excréments (mais à la saveur subtile) et redoutent-ils l’odeur des durians, ces fruits asiatiques… à l’odeur d’excrément et à la saveur douce ? Pourquoi certains sont-ils rebutés par la consommation de cuisses de grenouilles alors qu’à la crème, avec du vin blanc, un peu de persil, une pointe d’ail, hmmmm…
En réalité, nous gagnerions à comprendre que, comme les singes (et l’on découvre que ces derniers ont des cultures alimentaires !), nous sommes à la fois protégés et affligés par un réflexe nommé « néophobie alimentaire » : nous ne mangeons pas ce que nous ne connaissons pas… et c’est dans l’enfance, depuis le stade fœtal, que nous apprenons ce qui est « bon ». Voilà pourquoi les grands chefs ne peuvent pas lutter contre la cuisine de la grand-mère : toutes leurs innovations ne vaudront pas, biologiquement, ce que nous avons appris à reconnaître comme comestible.
Du coup, nous aurons beaucoup de difficultés à manger comme l’ « autre », nous aurons beaucoup de difficultés à comprendre comment il peut se laisser aller à manger ces choses « immangeables ».La cuisine sépare.
Pourtant, regardons-y mieux, avec l’œil technique. Quelle différence entre un tajine et une braisé bien conduit (« cendre dessus et dessous ») ? Dans les deux cas, il s’agit d’une cuisson longue et lente. Dans les deux cas, on cuit de la viande, afin de lui donner du goût, de tuer les micro-organismes et parasites qui l’infestent, on modifie la consistance pour la rendre fondante. D’ailleurs, l’analyse technique peut réconcilier les Anciens et les Modernes : au fond, la cuisson « à basse température », sous vide ou non, si en vogue aujourd’hui dans les restaurants les plus en pointe, n’est que du braisage bien conduit. Correctement conduit, avec des matériels autrement plus appropriés que le feu, et ses cendres ou braises à la température quasi incontrôlable.
D’accord, on y perd en poésie, la nostalgie de l’enfance en prend un coup… Quoi que : si l’on va au clair de lune avec son amoureuse ou son amoureux, est-on moins amoureux quand on sait pourquoi la lune brille ?
Allons, réconcilions-nous à table. Vive la connaissance !

De la correspondance utile

Je ne suis évidemment pas d'accord avec un des commentaires publiés sur ce blog et qui prétend que le livre Cours de gastronomie moléculaire N°1 contient des choses déjà publiées (jusqu'à la page 50) : c'est dans ce livre, et dans ce livre seulement, que je présente la distinction entre science, technologie, technique, que je montre les diverses interprétations épistémologiques de la science, et, surtout, que je présente une typologie technologique que je crois tout à fait inédite. Mais passons. Au moins, ce commentaire me permet de faire la mise au point.

Ce matin, beaucoup de correspondance, venant d'élèves de Première, qui font des Travaux personnels encadrés. L'un de ces messages posait deux questions :


La cuisine moléculaire peut-elle améliorer la cuisine traditionnelle ?

La réponse s'impose :

Non. La question est comme « la musique sérielle peut-elle améliorer la musique baroque » : cela n’a pas de sens. La musique baroque est la musique baroque, et la musique sérielle est la musique sérielle.
En revanche, oui, je crois que de nouveaux ustensiles s’imposent, pour mieux filtrer, mieux chauffer, mieux broyer, mieux… Par exemple, l’emploi de l’azote liquide fait des sorbets et des glaces aux cristaux de glace bien plus petits qu’avec une sorbetière. Par exemple, un filtre à verre fritté de laboratoire clarifie mieux qu’une clarification à l’œuf battu.

La cuisine moléculaire doit-elle être considérée comme un art ou comme une réelle avancée scientifique ?

Réponse : je vois que vous confondez cuisine moléculaire (de la cuisine, donc une activité qui donne du bonheur, avec une composante artistique, et une composante technique ; aucune science là-dedans), et la gastronomie moléculaire, qui est une discipline scientifique, et qui n’est donc pas une avancée scientifique, pas plus que la chimie ou l’astronomie ne sont des avancées scientifiques (lisez moi lentement, svp).
Je répète : l’astronomie ou la biologie moléculaire, ou la chimie, ou la physique, ou la gastronomie moléculaire sont des sciences, des disciplines scientifiques. Ce ne sont pas des avancées scientifiques, donc.
En revanche, dans chaque discipline, il y a des découvertes (scientifiques, donc, puisque ce sont des sciences). Par exemple, je crois que le travail que j’avais publié sur la « robustesse » des recettes est un beau travail scientifique, dans le champ de la gastronomie moléculaire.
La cuisine moléculaire, qui est une des applications de la gastronomie moléculaire, n’est donc ni une avancée scientifique, puisque c’est une application de la science, et que, de ce fait, elle sort du champ scientifique, ni une discipline scientifique. C’est de la cuisine. Donc il y aura certains cuisiniers qui la feront dans une direction artistique, et d’autres dans une direction technique. Dans les deux cas, sans volonté de donner du bonheur aux convives, c’est sans intérêt (cette dernière déclaration est un parti pris personnel de quelqu’un qui ne cesse de répéter que « le summum de l’intelligence, c’est la bonté et la droiture »).

vendredi 25 septembre 2009

Que mangerons-nous demain ?

Je poursuis la publication des billets parus dans l'Humanité. Voici le dernier publié, mais pas le dernier préparé.




Il y a un siècle, on prédisait que, en l’an 2000, on mangerait des « tablettes nutritives », que la « chimie » résoudrait le problème de l’alimentation du monde. En 2009, nous continuons à manger des poulets rôtis, comme au Moyen-Âge. Et demain ?
Nous mangerons ce que nous avons décidé de manger… si notre agriculture suffit à nourrir une humanité qui augmente encore… et il n’y aura jamais de chimie en cuisine. Oui, il n’y aura jamais de chimie en cuisine, parce que la chimie est une science, c’est-à-dire une activité de production de connaissances ! Cessons de confondre la science (qui cherche les mécanismes des phénomènes ; par exemple, pourquoi les steaks sautés brunissent-ils ?) et la technologie, c’est-à-dire l’application des connaissances en vue de « perfectionner » les techniques. Louis Pasteur s’est battu toute sa vie pour expliquer qu’il n’y a pas de « sciences appliquées », mais seulement des applications des sciences. D’ailleurs, les prétendues « technosciences » ne seraient-elles pas que de la technologie fautivement nommée ?
La science, dangereuse ? Non, mais ses applications peuvent l’être. Qui est responsable d’Hiroshima ? Pas Pierre et Marie Curie quand ils ont exploré la structure de l’atome, mais bien ceux qui ont fabriqué la bombe et qui l’ont lâchée sur une ville japonaise. Qui est responsable des gaz de combat ? Pas les chimistes, mais ceux qui les ont fabriqué et utilisé.
Le problème vient souvent des mots, et ici, je crois qu’il faut cesser de nommer « chimie » l’activité d’applications des résultats de la science chimique. D’ailleurs, il serait temps de reconnaître que l’application des connaissances de la chimie n’est pas systématiquement mauvaise, et j’invite les lecteurs de l’Humanité au colloque « Chimie et alimentation » qu’organise la Maison de la chimie le 7 octobre, à Paris. N’ayons pas peur de discuter de la chimie, de ses relations avec la cuisine : pourquoi l’ancien serait-il toujours bon (le barbecue dépose sur les viandes des benzopyrènes cancérogènes) et le nouveau toujours mauvais (les pesticides…) ? Evidemment, le nouveau n’est pas toujours bon non plus.
Regardons y de plus près : la cuisine de demain peut être encore meilleure que celle d’aujourd’hui… si nous travaillons, réfléchissons, débattons, cherchons. Vive la connaissance !

jeudi 24 septembre 2009

Dans la série des textes publiés dans l'Humanité la semaine passée, voici le troisième.
A noter, pour les quelques uns qui croient que je suis communiste (commentaires reçus mais non publiés) que les Ateliers expérimentaux du goût avaient été introduits grâce au ministre de l'Education nationale, en 2001, quand le gouvernement était socialiste, et que l'Institut des hautes études de la gastronomie a été créé en 2004, quand Renaud Dutreil, de droite, était ministre des PME.
Alors...


Pourquoi sommes-nous si peu à nous inquiéter du gaspillage d’énergie dû à l’activité culinaire ? Il y a pourtant une grande déraison à rejeter dans l’atmosphère l’essentiel de cette énergie que nous devons produire, ce qui engendre des déchets, que nous devons transporter, ce qui multiplie les installations (avec rendement de 20 pour cent, on diminuerait le nombre de lignes par quatre !), que nous payons (à la fin du mois, la facture d’énergie est lourde)…
Comment nous y prendre mieux ? Les fours à micro-ondes sont bien plus efficaces que les plaques à gaz ou les classiques plaques chauffantes… mais, malgré les « plats brunisseurs » et autres gadgets jamais vraiment utilisés, on ne fait pas de poulet rôti avec des micro-ondes.
Reste l’induction, et je suis heureux d’avoir récemment vu, dans un supermarché de campagne, les premières plaques à induction à prix abordable. Ce sont des outils culinairement remarquables : à volonté, elles chauffent très doucement, régulièrement, ou, au contraire, très fort, passant instantanément de l’un à l’autre. Que les lecteurs de l’Humanité se rassurent : je n’ai aucun intérêt dans les sociétés qui les fabriquent ou qui les vendent, sauf l’intérêt collectif, le souci du gaspillage énergétique actuel.
Hélas, ces systèmes font peur : induction électromagnétique ! Ne vont-ils pas nous donner des cancers ? Nous avons sans doute raison de nous méfier de ce que nous comprenons mal, mais nous devons nous seulement nous méfier, et pas plus. Par exemple, mettons une main, paume vers la joue, le plus près possible sans que la main touche la joue : nous sentons de la chaleur… parce que des rayonnements infrarouges passent de la main à la joue. Avons-nous peur de ces rayons invisibles ?
De toute façon, les hésitations seront balayées par l’augmentation prochaine du prix de l’énergie. Avec la fin du pétrole, nous serons tous obligés de nous préoccuper de l’énergie gaspillée dans nos cuisines. Nous devrons parler à nouveau d’ « économie domestique », notion considérée comme ringarde, mais qui a l’avantage qu’elle nous fait la vie plus belle individuellement et collectivement… et c’est alors que nous comprendrons que des braisages bien conduits sont économiques : les viandes ainsi cuites ne se contractent pas à la cuisson (quand on cuit 100 grammes de viande, on sert presque 100 grammes de viande) ; les viandes dures s’attendrissent (or du collier de bœuf, à quatre euros le kilogramme, c’est quand même moins cher que du filet à vingt euros) ; les préparations ont plus de goût, pour des raisons un peu longues à expliquer ici.
Demain ? J’espère que l’on parlera à nouveau d’économie domestique dès l’Ecole !

mercredi 23 septembre 2009

Le naturel ? On nous ment !

La nature ? Je ne comprends pas pourquoi nous voulons à toute force qu’elle soit « bonne « ! Pourtant nature produit la cigüe, à côté de la carotte (sauvage), et la cigüe tue ! Il faut que l’humanité choisisse judicieusement la carotte pour ne pas périr empoisonnée. Mieux, même, il faut qu’une longue sélection conduise de la carotte sauvage, fibreuse, grosse comme un crayon, à nos grosses carottes orange et sucrées, pour que nous ayons le plaisir de manger de délicieuses « carotte à la Vichy »… qui sont donc artificielles.
Oui, nos aliments ne sont pas naturels, mais artificiels : est naturel ce que l’on trouve dans la nature ; or on n’a jamais trouvé de soufflé, de frites, de pot-au-feu… dans la nature. Ces mets délicieux (quand ils sont bien faits et quand nous les aimons) sont « artificiels », puisqu’ils sont le produit du travail, du soin, du savoir-faire !
Pourtant, nos produits alimentaires, aux étiquettes rédigées par des hommes et des femmes du « commerce », ne cessent de mentir, en nous faisant gober des « arômes naturels », des ingrédients « naturellement riches » (riches !) en vitamines… Regardons autour de nous : nous verrons ainsi mieux que tous ceux qui nous refilent du « naturel » veulent en réalité nous vendre des produits ou de l’idéologie. Résistons !
A ce point, on voit combien Cicéron avait raison de dire que « tout homme qui ne connaît que sa génération est un enfant » : en matière alimentaire, nous ignorons souvent que nous sommes la première génération de l’histoire de l’humanité qui n’a pas souffert de famine (dans nos pays industrialisés !). Pour comprendre ce que nous mangeons, pour être libre, libre notamment de choisir ce que nous voulons mangeons, il nous faut de la connaissance.
Et, évidemment, me voici conduit à évoquer le rôle essentiel de l’Ecole. Il est normal que l’enseignement de la cuisine en ait disparu, parce que le rôle de l’Ecole n’est pas de « gaver des oies », mais d’allumer des brasiers, d’instiller l’esprit de recherche, qui nous fera passer du rôle de machine à celui de technicien éclairé, de technologue…L’Ecole faisait une erreur en enseignant la technique de préparation du pot-au-feu ; elle doit plutôt conduire les enfants à réfléchir sur la préparation. De tous les points de vue : historique, géographique, sociologique, scientifique, littéraire, artistique… C’est pour cette raison que les Ateliers expérimentaux du goût (on les trouve en ligne ; j’invite les professeurs d’école à les utiliser) ont été introduits, depuis 2001.
Vive la connaissance !

mardi 22 septembre 2009

Je rabache un peu... mais ce n'est pas inutile

Oui, je rabache, puisque je mets maintenant, dans les cinq jours qui viennent, des textes publiés dans le journal l'Humanité, qui m'avait invité à faire le quatrième de couverture, chaque jour de la semaine dernière.
Toutefois :
- les combats sont gagnés par l'opiniâtreté
- je ne suis pas certain que tout le monde lise l'Humanité.
- autres causes variées et secondaires

Voici donc le premier billet :

En ces siècles de plomb où l’argent tient lieu de valeur morale, la connaissance est notre meilleur rempart contre l’intolérance ! Jamais autant qu’aujourd’hui il n’a été aussi nécessaire de combattre les confusions, qui, souvent, mènent à l’intolérance, servant les intérêts marchands, permettant la manipulation des peuples.
Tiens, un exemple : la « cuisine moléculaire », que l’on confond avec la « gastronomie moléculaire ». On croit fautivement que la gastronomie est une « cuisine pour riches », un cuisine d’apparat… alors que celui qui propagea le mot en français l’a bien dit : la gastronomie, c’est de la connaissance, pas de la cuisine ! Un historien qui étudie l’histoire du pot de terre fait de la gastronomie historique. Un géographe qui étudie les variations régionales du cassoulet fait de la gastronomie géographique. Un scientifique qui étudie les phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires fait de la « gastronomie moléculaire ».
Puisque je dois me présenter aux lecteurs de l’Humanité, que j’accompagnerai cette semaine, il faut que je dise que c’est cette dernière entreprise qui me passionne : étudier pourquoi et comment les viandes rouges brunissent quand elles sont rôties, pourquoi et comment les soufflés gonflent, pourquoi et comment les légumes s’amollissent à la cuisson, pourquoi et comment les sauces se lient, la mayonnaise prend… Cette étude, quand elle est fait avec les méthodes de la science, c’est de la gastronomie moléculaire.
Ce n’est donc pas de la « cuisine moléculaire », qui, elle, est une mode culinaire, comme l’a été la nouvelle cuisine dans les années 1970, et comme le sera j’espère la « cuisine note à note » dans un futur proche. En 1980, avec un ami physicien anglais, nous avons observé que la pratique culinaire était quasi médiévale : mêmes casseroles, mêmes recettes, mêmes méthodes… Les casseroles étaient en acier inoxydable et non plus en terre, et quelques ustensiles avaient été mécanisés… mais ce n’était pas un bouleversement de principe ! Pis encore, nous avons observé –ce qui reste vrai- que la cuisson des aliments était un terrible gaspillage énergétique. Développant la gastronomie moléculaire, nous avons aussi voulu proposer d’en utiliser les résultats. Et c’est ainsi qu’est née la « cuisine moléculaire », une forme de cuisine qui fait état de « nouveaux » ingrédients, ustensiles, méthodes.
Elle a suscité une guerre des Anciens et des Modernes… mais vite, travaillons, passons à la suite : vive la connaissance !

jeudi 17 septembre 2009

Help!

Alors que je viens d'afficher des messages, je m'aperçois que je ne sais pas répondre de façon personnelle à mes correspondants/amis qui m'interrogent de façon personnelle. Quelqu'un sait-il comment récupérer les adresses de courriel des auteurs de commentaires?

Je profite du message pour répondre plus généralement, à propos de la chimie, et de ses beautés, d'autant que je sors d'une discussion avec une étudiante -disons une jeune scientifique- à laquelle j'expliquais que la science, c'est surtout du calcul.
Oui, la chimie n'est pas, je crois, la manipulation expérimentale, car celle-ci n'est que la matérialisation de l'idée. Bien sûr, l'expérience est essentielle, pour la chimie et les sciences expérimentales en général, mais l'idée formelle qui est derrière... devrait être devant.
Plus généralement, nous produisons des foules de données que nous ferions mieux d'exploiter mieux. C'est cela, la chimie. Et c'est pour cette raison que la chimie est belle, parce qu'elle est un mélange sensuel de production de données et d'interprétation de données, en vue de comprendre le monde atomique qui nous entoure... mais je m'aperçois que je paraphrase un peu mon livre sur la "Sagesse du chimiste".
Livre utile, puisqu'il permet de comprendre, je crois, que l'expression "produit chimique" est tout aussi galvaudée que le "démontré scientifiquement" qui a fait l'objet d'un précédent message.

mercredi 16 septembre 2009

Peut-on faire de la cuisine moléculaire quand on n'est pas chimiste?

Peut-on faire de la cuisine moléculaire quand on n'est pas chimiste? La réponse est un "oui" puissant.
La cuisine moléculaire, c'est la cuisine qui se fait avec de "nouveaux" ingrédients, ustensiles ou méthodes.
"Nouveaux" : tout est là. Est "nouveau" ce qui n'est pas ancien, c'est-à-dire ce qui n'était pas dans les cuisines avant les années 1980.
Autrement dit, la cuisine moléculaire commence à vieillir... raison pour laquelle je préconise que ceux qui travaillent s'essaient à la cuisine note à note.
Pour la cuisine moléculaire, rien de plus simple, et il y a même maintenant des kits pour les enfants.
Ah, un point : pas besoin de comprendre ce qui se passe pour faire de la cuisine moléculaire. Bien sûr, je ne cesserai d'engager tous mes amis à toujours chercher à comprendre... mais savons-nous comment marchent nos ordinateurs? Et qu'est-ce que "savoir comment ils marchent"?
Bref, la question est difficile, et, parfois, on veut le résultat dans le long détour par la compréhension. C'est légitime.

La chimie, elle, c'est une autre affaire, et la gastronomie moléculaire, notamment, c'est d'abord de la science, donc du calcul. Evidemment, loin de moi l'idée de refuser de nouveaux amis qui ont envie de faire cette activité, mais il faut qu'ils sachent que, en gros, c'est de la résonance magnétique nucléaire et des équations différentielles, choses passionnantes, pour lesquelles il faut de l' "entrainement". Ce n'est pas plus difficile qu'autre chose, mais pas accessible d'emblée, sans préparation.

Vive la connaissance

jeudi 10 septembre 2009

Blogs et commentaires

Les commentaires aux messages ne sont pas tous publiés, sur ce blog, notamment quand ils posent des questions personnelles, pour lesquelles il est préférable d'utiliser mon email : herve.this@paris.inra.fr (en laissant svp une adresse pour la réponse).
Je suis bien confus, mais, de ce fait, plusieurs messages n'ont pas été publiés.
Parfois, aussi, je ne réponds pas quand la question est difficile et que je n'ai pas la réponse!

Cela étant, l'objectif est surtout de s'émerveiller, non?

jeudi 3 septembre 2009

Inscriptions aux Cours de gastronomie moléculaire


Voici qui est maintenant fait : le site d'AgroParisTech prend les inscriptions aux Cours 2010 de gastronomie moléculaire... (http://www.agroparistech.fr/amm/lab/internet-courrant/spip.php?rubrique1816) alors que paraît le livre du Cours 2008, sur le thème

Science, technologie, technique... culinaires : quelles relations?

aux éditions Quae/Belin.

mercredi 19 août 2009

Livres de référence

Sur le blog d'une revue à laquelle je collabore, on m'interroge sur des "livres de référence" pour la cuisine.

La question est épineuse, parce que les livres anciens... sont anciens, et doivent donc être considérés ainsi.

Par exemple, le Guide culinaire, écrit non par Escoffier mais par Gilbert, Fetu et Escoffier, est très "aveugle", historiquement, et il contredit souvent des auteurs comme Jules Gouffé, dont le livre est remarquable, ou comme Antoine Marie Carême, dont l'Art de la cuisine française au XIX e siècle est extraordinaire, bien qu'insuffisant (manque de temps pour le finir).

Du coup, je ne crois pas qu'il existe de livre unique qui puisse nous renseigner... et d'ailleurs, je ne suis pas certain qu'il existe un champ du savoir où ce type de document existe. C'est le vieux fantasme de la Tour de Babel, en quelque sorte.

Toutefois, il est vrai que :
- le Viandier, notamment le texte de Guillaume Tirel, dit Taillevent, est tout à fait merveilleux
- le Ménagier de Paris aussi
- la Suite des Dons de Comus, est épatante
- tout comme le livre de Nicolas de Bonnefons, Les délices de la campagne (que nous avons réédité avec Pierre Gagnaire, Rip Hopkins et Jacques Merles)
- le livre de Gouffé, comme dit plus haut
- Edouard Nignon
- La bonne cuisine de Madame Saint Ange est un bel exemple pédagogique

Plus récemment, les Editions Larousse ont réédité leur Larousse gastronomique... mais ils n'ont pas corrigé tout ce qui aurait dû l'être. Disons que c'est moins pire qu'avant, quand il était dit que les soufflés gonflaient en raison de la dilatation des bulles d'air à la chaleur (en réalité, le moteur principal, c'est l'évaporation de l'eau ; d'ailleurs, il faut combattre l'idée que "c'est l'oeuf qui fait souffler", car en réalité, c'est l'eau, et l'eau seule, en s'évaporant ; je rappelle qu'un gramme d'eau fait environ un litre de vapeur).

Finalement, un livre de référence? Il reste à faire... mais il y a du travail, parce qu'il est bien difficile, souvent, d'attribuer correctement un nom à une préparation, tant les idées ont changé au cours de l'histoire. La décision de nommer serait donc souvent arbitraire!

Et si l'on inventait à la fois des préparations culinaires et les noms qui vont avec?

mardi 11 août 2009

Ne projetons pas nos fantasmes

Quelques billets récents, "osés", de ma part, ont suscité des réactions qui montrent que mes interlocuteurs ont voulu lire ce qu'ils voulu lire, plutôt que de lire ce que j'avais écrit.

Dire que la cuisine n'est pas naturelle, c'est énoncer un fait, et un fait vrai.
Pour autant, comment sous-entendrais-je que je souhaite être empoisonné -non pas par la chimie, puisque c'est une science- par des composés introduits dans les aliments par des industriels?

Dire que la cuisine domestique, ou "traditionnelle", n'a jamais été correctement testée, contrairement à tous les "nouveaux aliments" ou " ingrédients alimentaires", c'est également un fait, et l'épreuve du temps n'est pas une garantie de sécurité : nos ancêtre sont tous morts!

Pour autant, je ne dis pas qu'il faille gober tout ce que l'on nous vend !

Opposer les gros industriels aux petits artisans? Là encore, il y a faute intellectuelle : je veux bien prendre la défense des bons petits artisans... mais pas celle des mauvais, et il y en a. Je veux bien attaquer les gros industriels qui vendent des produits minables, mais pas les gros industriels qui vendent de bons produits, et il y en a.

Nos aliments d'aujourd'hui sont ils bons? Quelque correspondants me disent que non, parce que nos aliments sont pleins de cochonneries... mais je vois qu'ils n'ont pas bien lu les journaux d'époque, ou les livres de cuisine anciens : dans les journaux, on lit sans cesse des histoires de lait coupé à l'eau, de frelatage, de sophistication... jusqu'au jus de purin utilisé pour colorer le café ! Dans les livres de cuisine, on voit des chapitres entiers destinés à aider les particuliers à reconnaître le plâtre dans la farine, etc.

N'ayons pas la mémoire si courte que nous ne connaissions que notre temps. Faisons-nous aider de nos amis historiens pour connaître un passé dont nous n'avons pas à croire qu'il était doré. Oui, l'histoire a la mission merveilleuse de nous faire grandir : "Tout homme qui ne connaît que sa génération est un enfant", disait déjà Cicéron. Et voilà (notamment!) pourquoi les sciences humaines ne sont pas des disciplines inutiles : elles sont indispensables... à condition d'être militantes... comme la chimie, d'ailleurs, mais cela, c'est une autre histoire, qui m'a valu d'être considéré comme un "savant cosinus", un "doux rêveur".

Décidément, quand l'être humain cessera-t-il de sous-estimer ses interlocuteurs ?

dimanche 9 août 2009

Retour sur la question de la toxicité

Quelques internautes envoient des commentaires que je mets en ligne quand ils ne sont pas injurieux, et où, parce que j'ai critiqué une certaine idée naïve du "bon naturel", croient que je suis pour le "tout chimique" (ce qui ne signifie rien, comme je l'ai écrit ad nauséam dans mon livre "La Sagesse du chimiste".

Pourquoi tant de manichéisme? Entre le blanc et le noir, il y a mille teintes de gris!
Pourquoi ne pas conserver le meilleur des applications de la chimie, d'une part, et, d'autre part, le meilleur de ce que produit la "nature" (en nous rappelant pourtant que la cuisine n'est pas naturelle, mais bien artificielle)?

En réalité, je me laisse aller ici à quelque chose d'inutile : on ne convainc jamais personne, et je préfère, plus positivement, dire ce qui me semble juste.

Des faits à ne jamais oublier dans nos discussions :

1. Nous sommes la première génération de l'histoire de l'humanité à ne pas avoir connu de famines, en France...

2. Mais il reste des millions de gens sur Terre qui meurent de faim

3. La question de l'alimentation mondiale n'est donc pas résolue...

4. Et ce n'est pas une agriculture naïvement "naturelle" qui nourrira tout le monde.

5. La question des sols et de l'eau devient grave.

6. Est naturel ce qui est dans la nature, sans transformation par l'homme. Nos aliments, sélectionnés depuis des millénaires, sont-ils vraiment naturels?

7. Donc la cuisine est artificielle

8. Je n'ai rien à vendre

9. Malgré tout ce que l'on dit sur les empoisonnements alimentaires qui seraient dûs à la chimie (on confond hélas, en disant cela, la chimie et ses applications), l'espérance de vie dans les pays industrialisés continue d'augmenter; de quoi est-ce l'indication?

10. Pardonnez moi de répéter l'acte de foi qui est sur mon site (http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/ ) :


Vive la connaissance!

Le "consommateur" ? Quelle honte !

Pardon, mais je me suis surpris en train d'utiliser le mot "consommateur".

A la réflexion, c'est honteux, d'un côté, de voir ceux qui mangent comme des "consommateurs", et, de l'autre, de supporter de "consommer" !

Je propose que, si le mot ne convient pas (et il ne convient certainement pas), nous ne manquions pas d'inventivité, et que nous en changions.

Le mangeur est un mangeur. Le dégustateur est autre chose. En ces temps de plomb où l'argent tient parfois lieu de valeur morale, uttons contre un certain mercantilisme !

lundi 13 juillet 2009

Proposition de changement

On ne peut à la fois critiquer le classement du magazine britannique Restaurants (« le meilleur restaurant du monde ») et admettre les classements des chefs par des étoiles ou des notes, comme le fait le Guide Michelin, par exemple.

Ne serait-il pas temps que l’on distingue, comme je l’avais proposé il y a plusieurs années, des artisans et des artistes ? Pour des artisans, les critères sont relativement simples, parce qu’ils sont de nature technique. Si l’on demande un steak tendre et saignant à un artisan, on s’attend à obtenir ce que l’on a demandé. Et comme il existe des degrés divers de difficulté technique, on pourrait classer les artisans, et même établir des rapport « qualité/prix », en divisant une sorte de « note technique » par le prix.

En revanche, en matière artistique, comment dire si Wolfgang Amadeus Mozart et mieux que Jean-Sébastien Bach, si Gustave Flaubert est moins bien que Rabelais, si Picasso est mieux que Rembrandt ? En cuisine artistique, la technique doit évidemment être sans faille, tout comme en peinture : comment espérer donner un sentiment si l’on n’est même pas capable de tenir un pinceau, de jouer du violon, de poser une phrase ?
Cela étant, comment classer des artistes ?

Je propose que nous luttions contre le classement imbécile du magazine Restaurants, mais je réclame aussi que le Guide Michelin change ses habitudes paresseuses : distinguons artisans et artistes, et, pour les artistes, essayons de donner aux lecteurs du guide une idée du style qu’ils pourront trouver dans les restaurants de cuisine artistique.

On comprend que je ne milite pas ici pour la cuisine moléculaire, mais simplement pour que l’art culinaire (et non « les arts culinaires » : il n’y en a qu’un, le bon) soit reconnu comme il doit l’être, de façon plus lisible qu’hier et aujourd’hui.

dimanche 12 juillet 2009

Que mangerons-nous demain ?

Nous ne mangerons pas des tablettes nutritives : c’est un fantasme réfuté par un calcul simple. En revanche, nous pouvons apprendre à valoriser –par la chimie- les produits de l’élevage et de l’agriculture.

Que mangerons-nous demain ? En 1894, le chimiste Marcellin Berthelot avait prédit qu’en l’an 2000, nous mangerions des tablettes azotées. C’était une bêtise, parce que, avec la matière alimentaire la plus énergétique, la matière grasse, il faudrait déjà l’équivalent d’une grosse plaque de beurre pour avoir assez d’énergie dans la journée. Sans compter que, notre organisme étant fait de protéines, pour une grande partie, il nous faut les atomes qui font ces protéines, notamment les atomes d’azote, absents de la matière grasse. Et l’eau, dont nous sommes constitués ! Au total, il vaut sans doute mieux bien comprendre que l’espèce humaine a co-évolué avec son environnement : si les fruits sont colorés et sucrés, c’est, d’une certaine façon, parce que les plantes avaient intérêt à ce que nos ancêtres et diverses autres espèces animales (les oiseaux, par exemple) les consomment en raison des sucres qu’ils contiennent (des molécules qui apportent de l’énergie !), et qu’ils propagent les noyaux, les pépins, les graines, assurant la reproduction des plantes.
Quel que soit le mécanisme exact de cette évolution que les paléontologues cherchent à mieux connaître, il reste que l’an 2000 est passé, et que nous assistons à la faillite de la prédiction de Berthelot. L’an 2000 est passé, mais nous ne mangeons toujours pas de tablettes nutritives, et la chimie n’a pas supplanté l’agriculture. D’ailleurs, il faut dire, pour vaincre les fantasmes qui subsistent, que reproduire par synthèse les molécules des plantes est une entreprise insensée : rien que vous savoir synthétiser la vitamine B12, il a fallu des centaines de chimistes de talents, donc quatre prix Nobel, qui ont travaillé pendant des décennies ! Pour une seule des vitamines. Oui, en principe, les chimistes pourraient apprendre, lentement, à reproduire des molécules de plus en plus nombreuses, mais à quoi bon ? Si l’objectif est de mieux comprendre les règles d’arrangement des atomes dans les molécules, certes, l’objectif est intéressant ; en revanche, si l’objectif est de nourrir le monde, il vaut sans doute mieux continuer d’utiliser le soleil, la terre, l’air, l’eau, et profiter d’un « savoir faire » acquis par des milliards d’années d’évolution : celui du monde vivant, végétal notamment.
Le chimiste Pierre Potier, récemment décédé, parlait du « magasin du bon Dieu » : il proposait d’apprendre à reconnaître, dans ce magasin, les molécules qui peuvent servir de médicaments. Mais ne pouvons-nous pas demander davantage à notre environnement ? Les molécules des plantes sont innombrables, d’une merveilleuse complexité. Ne pourrions-nous pas apprendre à les modifier pour en faire des saveurs nouvelles, des odeurs originales, des consistances inédites ?
Evidemment, la cuisine qui naîtrait de ce nouveau rapport à l’environnement ne serait pas la cuisine traditionnelle que nous connaissons… mais, au fait, est-ce grave ? Car il ne s’agit pas de mettre au musée la cuisine classique, mais, plutôt, d’ajouter une nouvelle forme de cuisine à la cuisine classique. Comme en musique : Debussy n’a pas tué Bach ou Mozart ! Comme en peinture : Picasso ne nous a pas empêché d’admirer Rembrandt ou Bruegel !

La cuisine note à note

Que pourrions-nous manger, demain, en plus de ce que nous mangeons aujourd’hui ? Analysons la cuisine classique pour le comprendre. Quand nous cuisinons, classiquement, nous mettons dans la casserole des carottes, des viandes et, plus généralement, des matières provenant le plus souvent de l’agriculture ou de l’élevage. Chaque « ingrédient » est un système complexe, qui renferme de nombreux types de molécules différentes.
Par exemple, la carotte apporte à la fois des sucres, des acides aminés, des acides organiques, des alcools, de la cellulose, des pigments… Mettre une carotte dans une casserole, par conséquent, c’est comme, pour un pianiste, jouer plusieurs notes à la fois. Mettre deux ingrédients dans une casserole, c’est faire deux accords.
La comparaison nous porte : et si nous jouions note par note ? Et si nous cuisinions en synthétisant les mets, type de molécule par type de molécule ? La tentative a été faite, notamment par le cuisinier français Pierre Gagnaire, qui a servi à la presse une « sauce Wöhler », composée type de molécule par type de molécule. Au centre de la sauce, d’ailleurs, il y avait un produit nouveau, tout à faire remarquable, fruit du travail de la Station INRA de Pech Rouge : de la poudre de polyphénols extraits d’un cépage syrah. Une belle poudre d’un rouge sombre, odorante, très savoureuse…
Pourquoi prendre cette poudre plutôt que du vin ? Parce que le vin, accord, apporterait également, sans qu’on puisse doser les produits, éthanol, eau, sucres, tartrates… Avec ce produit du « craquage du vin », on fait une sauce sur mesure… et la gourmandise s’en trouve bien !
Car il faut savoir que l’on sait déjà « craquer » le lait, le blé. Alors pourquoi pas le vin, la carotte, le poulet, le poireau ? Les agriculteurs, au lieu de produire parfois des excédents de produits alimentaires qu’ils ne vendent pas toujours au prix qu’ils voudraient, ne pourraient-ils pas apprendre à effectuer ces craquages, afin de proposer des produits culinaires nouveaux, à forte valeur ajoutée ?
C’est cela, l’idée de la cuisine note à note : une façon précise de cuisiner, qui valorise des produits nouveaux produits par le monde agricole ou par l’élevage. De nouveaux développements… pour que le répertoire culinaire s’enrichisse davantage. Le voulons-nous ?

Question :
Ne devons-nous pas penser que, à côté d’une agriculture et d’un élevage raisonnés, il y a la place pour des transformations modernes des aliments ? Plus de chimie, en quelque sorte ?

Des combats pour un monde meilleur


Nos aliments sont meilleurs que ceux d’hier. Il y a beaucoup à faire, encore, pour les améliorer. Vive l’artifice, qui nous fait humain.





D’abord, nos aliments ne sont pas moins bons qu’hier, au contraire !

Nous l’ignorons, mais les livres de cuisine d’il y a seulement cinquante ans comportaient bien souvent un chapitre entier pour aider les cuisinières et cuisiniers à dépister les frelatage des produits alimentaires : le plâtre dans la farine, le jus de purin pour colorer le café, l’eau dans le lait… Aujourd’hui, les services de l’Etat nous protègent : les Douanes ne sont pas l’outil de protectionnisme que l’on dit parfois ; ce sont des services qui évitent que ne soient importés des aliments pas aussi sains et sûrs que ceux que nous produisons sur le sol national. La Direction générale du commerce et de la répression des fraudes, d’autre part, s’évertue à vérifier que les produits soient loyaux, marchands et francs, que les étiquetages ne soient pas trompeurs… L’INRA, de son côté, travaille pour donner à l’industrie –alimentaire notamment- des connaissances nouvelles, qui engendreront des produits nouveaux…
Bref, nous n’avons jamais mangé si sain, si sûr. A nous, en cuisine, ensuite, de tirer le meilleur parti des produits de l’agriculture et de l’élevage.


Ensuite, il y a de la place pour des travaux de toutes sortes

Pour manger demain encore mieux qu’aujourd’hui, il faudra sans doute des connaissances nouvelles. Les connaissances nouvelles ? En produire revient à la science, laquelle, il faut le dire, est la recherche des mécanismes des phénomènes, par une méthode bien codifiée depuis plusieurs siècles, et qui a pour nom « méthodes expérimentale ». Disons tout de suite qu’il ne s’agit pas seulement de faire des expériences !
En matière d’alimentation, plusieurs sciences sont utiles. D’abord, la botanique ou la biologie végétale ou animale s’intéressent aux ingrédients que nous utilisons dans nos transformations alimentaires. Puis, la gastronomie moléculaire s’intéresse aux transformations culinaires proprement dites. Enfin, la physiologie, la psychologie, la nutrition, la toxicologie s’intéressent au devenir de l’aliment, après qu’il a passé la barrière des dents.
L’organisation sociale est efficace si les connaissances nouvelles, produites par la science, sont ensuite transférées à la technologie, si elles sont utilisées, mises en œuvre. Technologie ? C’est le monde des ingénieurs, des industries, et, plus généralement, de tous ceux qui se préoccupent d’améliorer la technique.
La technique, enfin, qui produit ! Par exemple, griller un steak, cuire un œuf dur, pocher un poisson, dresser une quenelle sont des gestes techniques. Parfois, cette technique se double d’art, car nous n’avons pas bien dit, ici, que, l’art culinaire existe : l’artisan culinaire est celui qui vise la satisfaction d’un besoin, tout comme l’artisan peintre repeint les murs ; l’artistes culinaire est celui qui vise l’émotion, au point que, à la limite, on devrait peut-être même ne pas avaler les bouchées qu’il construit, mais seulement les apprécier sensoriellement.

Vive l’artifice !

Cette idée-là, d’expérience, est plus difficile à faire passer. Oui, nous n’aimons pas la nature, parce que la nature, c’est le gel, la grêle, le vent, la pluie, le soleil qui brûle, la peste, le choléra… Si notre espérance de vie a augmenté, c’est parce que notre espèce humaine a appris à se prémunir contre la nature. Par des médicaments qui nous guérissent, par des cosmétiques qui nous évitent les parasites, par la cuisine qui évite les gastro-entérites dues aux microorganismes qui contaminent naturellement les aliments, par les habits qui nous tiennent au chaud, en hiver, ou nous protègent des brûlures du soleil en été, par des maisons qui nous abritent…
Oui, en réalité, nous détestons la nature, qui nous tue une fois par vie dans des souffrances parfois terribles… mais nous ne l’admettons pas ! Et, de ce fait, l’ « artificiel » nous semble affreux, alors que c’est le fruit de notre ingéniosité humaine.
En cuisine, en particulier, rien de naturel. Les carottes sauvages étaient de petites racines dures : notre espèce en a fait de gros légumes charnus, gorgés de sucres et de pigments. Les vaches étaient étiques ; notre espèce les as sélectionnées, croisées, pour en faire les animaux charnus que l’on continue d’améliorer. Les œufs se félaient : nous avons appris à renforcer leur coquille pour que, achetant 12 œufs, nous en ayons finalement 12 dans le réfrigérateur. Et ainsi de suite, jusqu’à l’acte culinaire, qui ne laisse pas les produits en l’état, mais les magnifie, les valorise. D’une carotte, nous faisons une julienne. D’un poulet, nous faisons un poulet au champagne. Qui échangerait notre cuisine contre la consommation des ingrédients alimentaires crus ?

Il y a tant à dire, à découvrir, à discuter, à propos du plaisir alimentaire !
Allons, mettons fin temporairement à ces billets. Il est temps de rendre maintenant compte des discussions qu’ils sont suscitées.

Des combats pour un monde meilleur


Nos aliments sont meilleurs que ceux d’hier. Il y a beaucoup à faire, encore, pour les améliorer. Vive l’artifice, qui nous fait humain.





D’abord, nos aliments ne sont pas moins bons qu’hier, au contraire !

Nous l’ignorons, mais les livres de cuisine d’il y a seulement cinquante ans comportaient bien souvent un chapitre entier pour aider les cuisinières et cuisiniers à dépister les frelatage des produits alimentaires : le plâtre dans la farine, le jus de purin pour colorer le café, l’eau dans le lait… Aujourd’hui, les services de l’Etat nous protègent : les Douanes ne sont pas l’outil de protectionnisme que l’on dit parfois ; ce sont des services qui évitent que ne soient importés des aliments pas aussi sains et sûrs que ceux que nous produisons sur le sol national. La Direction générale du commerce et de la répression des fraudes, d’autre part, s’évertue à vérifier que les produits soient loyaux, marchands et francs, que les étiquetages ne soient pas trompeurs… L’INRA, de son côté, travaille pour donner à l’industrie –alimentaire notamment- des connaissances nouvelles, qui engendreront des produits nouveaux…
Bref, nous n’avons jamais mangé si sain, si sûr. A nous, en cuisine, ensuite, de tirer le meilleur parti des produits de l’agriculture et de l’élevage.


Ensuite, il y a de la place pour des travaux de toutes sortes

Pour manger demain encore mieux qu’aujourd’hui, il faudra sans doute des connaissances nouvelles. Les connaissances nouvelles ? En produire revient à la science, laquelle, il faut le dire, est la recherche des mécanismes des phénomènes, par une méthode bien codifiée depuis plusieurs siècles, et qui a pour nom « méthodes expérimentale ». Disons tout de suite qu’il ne s’agit pas seulement de faire des expériences !
En matière d’alimentation, plusieurs sciences sont utiles. D’abord, la botanique ou la biologie végétale ou animale s’intéressent aux ingrédients que nous utilisons dans nos transformations alimentaires. Puis, la gastronomie moléculaire s’intéresse aux transformations culinaires proprement dites. Enfin, la physiologie, la psychologie, la nutrition, la toxicologie s’intéressent au devenir de l’aliment, après qu’il a passé la barrière des dents.
L’organisation sociale est efficace si les connaissances nouvelles, produites par la science, sont ensuite transférées à la technologie, si elles sont utilisées, mises en œuvre. Technologie ? C’est le monde des ingénieurs, des industries, et, plus généralement, de tous ceux qui se préoccupent d’améliorer la technique.
La technique, enfin, qui produit ! Par exemple, griller un steak, cuire un œuf dur, pocher un poisson, dresser une quenelle sont des gestes techniques. Parfois, cette technique se double d’art, car nous n’avons pas bien dit, ici, que, l’art culinaire existe : l’artisan culinaire est celui qui vise la satisfaction d’un besoin, tout comme l’artisan peintre repeint les murs ; l’artistes culinaire est celui qui vise l’émotion, au point que, à la limite, on devrait peut-être même ne pas avaler les bouchées qu’il construit, mais seulement les apprécier sensoriellement.

Vive l’artifice !

Cette idée-là, d’expérience, est plus difficile à faire passer. Oui, nous n’aimons pas la nature, parce que la nature, c’est le gel, la grêle, le vent, la pluie, le soleil qui brûle, la peste, le choléra… Si notre espérance de vie a augmenté, c’est parce que notre espèce humaine a appris à se prémunir contre la nature. Par des médicaments qui nous guérissent, par des cosmétiques qui nous évitent les parasites, par la cuisine qui évite les gastro-entérites dues aux microorganismes qui contaminent naturellement les aliments, par les habits qui nous tiennent au chaud, en hiver, ou nous protègent des brûlures du soleil en été, par des maisons qui nous abritent…
Oui, en réalité, nous détestons la nature, qui nous tue une fois par vie dans des souffrances parfois terribles… mais nous ne l’admettons pas ! Et, de ce fait, l’ « artificiel » nous semble affreux, alors que c’est le fruit de notre ingéniosité humaine.
En cuisine, en particulier, rien de naturel. Les carottes sauvages étaient de petites racines dures : notre espèce en a fait de gros légumes charnus, gorgés de sucres et de pigments. Les vaches étaient étiques ; notre espèce les as sélectionnées, croisées, pour en faire les animaux charnus que l’on continue d’améliorer. Les œufs se félaient : nous avons appris à renforcer leur coquille pour que, achetant 12 œufs, nous en ayons finalement 12 dans le réfrigérateur. Et ainsi de suite, jusqu’à l’acte culinaire, qui ne laisse pas les produits en l’état, mais les magnifie, les valorise. D’une carotte, nous faisons une julienne. D’un poulet, nous faisons un poulet au champagne. Qui échangerait notre cuisine contre la consommation des ingrédients alimentaires crus ?

Il y a tant à dire, à découvrir, à discuter, à propos du plaisir alimentaire !
Allons, mettons fin temporairement à ces billets. Il est temps de rendre maintenant compte des discussions qu’ils sont suscitées.