dimanche 5 octobre 2014

Promouvoir les meilleurs étudiants n'est pas faire de l'élitisme



Ces temps-ci, on entend parler sans cesse d'égalité (mais quelqu'un qui mesure 2 mètres de haut n'a pas la même taille que quelqu'un qui mesure 1,5 mètre ; quelqu'un qui aime son travail, quel que soit la nature de ce travail, n'est pas dans les mêmes conditions que quelqu'un qui ne l'aime pas) ou d'équité (une notion que j'aimerais que l'on m'explique clairement), et c'est peut-être bien. En matière d'enseignement des sciences et des technologies, il y a cette idée qu'il faut aider tous les étudiants qui ont des difficultés. Là encore, évidemment, je suis pour, puisque c'est la mission de l'enseignement que d'aider les apprenants à apprendre.
Cela étant, personne ne peut faire le travail d'apprentissage à la place de l'étudiant, et il semble important -vu les étudiants que nous recevons- de bien rappeler que l'étudiant doit y passer du temps. Un temps où il n'y aura ni football, ni roman, ni film, ni concert… ; un temps où il faudra sans doute mémoriser, focaliser sur les notions, concepts, méthodes, objets qui font le contenu des sujets enseignés ; un temps où il y aura peut-être des exercices, des projets…
Et, progressivement, plus l'étudiant sera avancé dans ses études, plus il devra être autonome. Autonome de combien ?
Je propose de considérer trois courbes « d'autonomie », entre l'école primaire et la fin du Master 2, cette dernière année d'études, après laquelle l'autonomie devra être complète.





























La première courbe n'est pas bonne, parce que les jeunes apprenants doivent d'abord s'équiper avant de voler de leurs propres ailes. La deuxième courbe n'est pas bonne, parce que l'apprentissage de l'autonomie sera insuffisant. La troisième courbe s'impose, par conséquent.

Et les étudiants les plus faibles ? S'ils sont faibles en Master 1 ou 2, c'est grave, parce que la logique voudrait qu'on ne les aide pas. Et puis, pourront-ils rattraper en un ou deux ans quelque dix ans de retard ? Et faut-il donner le même diplôme à de bons étudiants et à des étudiants plus faibles ?
D'autant que :
1. le temps des enseignants est limité
2. il serait temps de reconnaître qu'il n'est pas certain que tous les étudiants soient faits pour les études : un étudiant qui ne veut pas étudier ne s'épanouira pas dans les études, quoi que fassent les enseignants
3. assez d'assistanat : les citoyens ne doivent-ils pas se prendre en charge un minimum ?
Enfin, on a tendance à oublier, ces temps-ci, que les nations ont besoin de gens qui sont à l'avant du groupe, des défricheurs en quelque sorte. Et si l'on ne contribue pas à aider ces individus, le groupe n'avance pas. Je ne dis pas que ces personnes doivent être mieux payées ou mieux considérées que les autres (quoi que…), mais je crois pouvoir dire que les enseignants n'ont pas le droit de les négliger, en consacrant tout leur temps aux plus faibles : ce serait injuste.
Autrement dit, je ne crois pas être élitiste en proposant que nous ne devons pas oublier de faire nos cours aussi pour les bons étudiants.

samedi 4 octobre 2014

Ne prenons pas les examinateurs pour des idiots


Le « pari de Pascal »  (Pensées, 1670) est célèbre : « Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir : l'erreur et la misère. Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter. »

Ne pourrions-nous proposer, de même, de faire le pari de la bienveillance, de l'intelligence et de la culture, sans prétention ? D'une part, il y a les malfaisants, les jaloux, les méchants, les malhonnêtes, les paresseux, les autoritaires…  qui nous nuiront quoi que nous fassions. D'autre part,  il y les bienveillants et ceux qui n'ont pas d'idée a priori de nos travaux. Si nous mettons de l'intelligence dans nos productions, les individus de cette seconde catégorie, les seuls à qui il soit digne de s'adresser, nous seront redevables  des pétillements que nous aurons glissés dans notre version des faits.
Là, il faut que je demande pardon à mes amis, et que je rectifie une erreur que j'ai faite dans un de mes livres et quelques articles : ébloui par le moine Shitao, ce théoricien chinois de la peinture et de la calligraphie, je l'avais suivi quand il évoquait la « poussière du monde »


La poussière du monde ? Ce sont les modes, les « chiens écrasés », les potins, les agissements des grenouilles qui veulent se faire plus grosses que le  bœuf (ceux qui prétendent diriger, alors qu'il n'est pas certain qu'ils se dirigent eux-mêmes : je pense aux « dirigeants » dont les enfants  sont délinquants, ou s'entretuent pour des histoires de mœurs  sordides, sans compter ceux qui affichent  impudiquement leur vie publique… minable). Bref, il y aurait la « poussière du monde ».
Toutefois, dire un mot ne fait pas exister l'objet « matériellement » ! Le manteau  du père Noël n'est ni rouge ni bleu… puisque le père Noël, n'existant pas, n'a pas de manteau. La poussière du monde ? L'idée est fascinante, mais si nous nous efforçons de mettre de l'intelligence dans nos actes, pensées, discours, rien n'est anodin, rien n'est poussière.
Et  c'est ainsi que nos productions seront plus belles, adressées à des « amis ».