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lundi 25 mars 2019

Des connaissances peuvent-elles être "scientifiques" ?

Hier, à l'Académie d'Agriculture, lors d'une séance publique, deux intervenants ont dit l'expression "connaissance scientifique",  et ma réflexion sur la méthode des sciences de la nature m'a conduit à m'interroger sur cette terminologie.

Qu'est-ce qu'une connaissance scientifique ? Et cela existe-t-il vraiment ?

Dans une telle circonstance, je crains immédiatement la faute du partitif, et aussi le cliché, série de mots que l'on répète sans l'interroger.
Une connaissance, je comprends bien de quoi il s'agit. Par exemple, un intervenant nous a montré des images de bois au microscope, et il nous a  donc donné une nouvelle vision, une nouvelle description d'un objet dont nous avions une moindre connaissance : au lieu de voir simplement les fibres à l'oeil nu, nous avons pu comprendre qu'il y avait des  cellules plus ou moins grosses selon les saisons, et également des canaux par où la sève peut circuler.
Mais où était la science dans cette affaire ? Certes il a fallu un microscope pour obtenir une telle l'image, mais le microscope est un objet ancien qui relève moins d'ailleurs de la science que la technique ou  de la technologie. Certes il a fallu que quelqu'un ait  l'idée d'utiliser le microscope pour regarder le bois afin de produire la description qui nous a été présentée... mais la connaissance n'a été scientifique que si ce quelqu'un était un scientifique, et pas si ce quelqu'un était un technicien ou un technologue. En l'occurrence, les connaissances qui étaient dites scientifiques étaient du naturalisme des siècles passés, et ces images auraient presque pu être produites par Antoni van Leuwenhoek.

Mais pour en revenir à la faute du partitif : il aurait fallu dire plutôt connaissance produite par des scientifiques, si cela avait été le cas. Au fait, toutes les connaissances ne sont-elles pas de produites par les scientifiques ? Non, car les grammairiens ont des connaissances qui ne relèvent pas des sciences de la nature, par exemple.

Une question pernicieuse : pourquoi nos intervenants, qui n'étaient pas scientifiques, ont-ils utilisé cette expression ? On devine que cela posait le discours, qu'il s'agissait d'un (mauvais) argument d'autorité !

Mais revenons maintenant au statut des sciences de la nature, et de leurs méthodes : il s'agit plutôt de réfutation que de démonstration. Que vaut alors une connaissance produite par un scientifique ? Sera-t-elle réfutée? Bien sûr, si l'on utilisait des techniques analytiques perfectionnées, on pourrait  améliorer l'image qui nous a été montrée dans les détails, mais sans doute pas dans les grandes lignes, de sorte que l'image subsisterait malgré les réfutations successives.
Au fond, Henri Poincaré avait raison de dire que tout croire ou douter de tout sont deux attitudes également mauvaises. Les travaux scientifiques conduisent à des descriptions progressivement affinées, mais chaque stade conserve une certaine validité et quand je dis que la science produit des connaissances fausses, je me reprends généralement en disant que ces connaissances sont plutôt insuffisantes.
Je renvoie à des billets anciens ou j'évoquais la loi d'Ohm,  relation de proportionnalité entre le potentiel électrique et l'intensité d'un courant : cette loi a été abattue par la découverte de l'effet hall quantique, Klaus von Klitzing ayant montré  qu'il n'y a pas proportionnalité exacte, mais proportionnalité approchée : si on regarde de loin, on voit une ligne, mais si on regarde de très près, on voit une sorte d'escalier.
Le fait que la description en terme d'escalier soit faite par un scientifique récent ne change rien à l'affaire, du point de vue du principe. La connaissance donné par un scientifique récents ou par un scientifique ayant vécu il y a longtemps est du même type, c'est une connaissance produite par la science... et pas une connaissance scientifique.

dimanche 18 juillet 2010

Connaissances... scientifiques?

Nous avons discuté ici des expressions fautives telles que "démontré scientifiquement", ou encore "sciences appliquées". Je n'y reviens pas.
Nous avons discuté la question de la "formation par la recherche", dont on ne sait pas très bien si c'est une formation par la science, auquel cas il n'est pas assuré qu'elle soit bonne pour de futurs ingénieurs, ou une formation par la technologie, auquel cas il n'est pas assuré qu'elle soit adaptée à de futurs scientifiques.
Nous avons discuté du mot "science", que les "philosophes naturels" croient avoir confisqué, ce que contestent les gens des sciences humaines et sociales.
Nous avons discuté la terminologie de "philosophie naturelle", qui, hélas, n'est pas suffisamment définie par la méthode... scientiifuqes
Nous avons discuté du nom de la méthode de la philosophie naturelle, qui, méthode scientifique, est pléonastique, ou, méthode expérimentale, ou méthode hypothético-déductive, est insuffisant.

Bref, nous avons déjà beaucoup questionné notre insuffisant langage actuel. Aujourd'hui, c'est l'expression "connaissance scientifique" que je veux intérroger. Je crois hélas qu'il y a la même "faute du partitif" que dans "cortège présidentiel", ou "sciences appliquées". Le cortège n'est présidentiel que si c'est lui le président. Sinon, on doit dire "cortège du président". De même, les sciences ne sont pas appliquées, sans quoi elles ne sont plus des sciences. Les connaissances, elles, sont des... connaissances, mais elles ne sont pas de la science, puisque la science est une pratique, une activité (sauf à considérer la science comme un savoir).
Y aurait-il des connaissances qui viennent de la science, et d'autres qui n'en proviendraient pas? Sans doute, mais cela ne suffit hélas pas à justifier l'usage de "connaissance scientifique". Les connaissances produites par la science ne doivent pas être nommées connaissances scientifiques, sous peine de faute de langue, et donc confusion de pensée. Comment les nommer, les distinguer des connaissances venues d'ailleurs? Je crois que nous devons nous résoudre à les nommer "connaissances produites par la science". Est-ce vraiment grave? Devons-nous à toute force synthétiser au delà de ce que la langue permet?
Je ne crois pas... ou alors, il faut à cela de nouveaux mots, et un nouveau langage. Formel?