Affichage des articles dont le libellé est perfection. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est perfection. Afficher tous les articles

mercredi 7 février 2024

La perfection n'existe doublement pas

 
Chers Amis 

Pardonnez moi : mon enthousiasme communicatif a fait tomber certains de mes amis dans l'erreur où j'étais moi-même ! 

Tout a commencé il y a des décennies, quand je discutais le perfectionnement des oeufs durs. J'avais nommé "oeuf dur parfait" un oeuf qui ne serait pas caoutchouteux, dont le jaune ne serait pas sableux, ne serait pas cerné de ce vert qui est accompagné d'une odeur d'hydrogène sulfuré ; il fallait de surcroît que le jaune soit bien centré dans le blanc, que la coquille s'enlève facilement... 

Et ma découverte des oeufs à 6X°C m'avait conduit à donner ce nom d'oeuf parfait à ces oeufs... au point que, environ 20 ans après, des articles de journaux reprennent l'idée et le terme : 

http://www.lexpress.fr/styles/saveurs/l-oeuf-parfait-derniere-lubie-des-chefs_1673678.html

ou

 http://weekend.levif.be/lifestyle/culinaire/ce-qu-il-faut-encore-savoir-de-l-oeuf-suite/article-normal-393579.html

 

Pourtant, la perfection n'est pas de ce monde, d'une part, et, d'autre part, quelle est l'échelle avec laquelle on mesure la perfection ? 

A vrai dire, en matière d'art culinaire, j'ai déjà signalé souvent que cela n'avait pas de sens de classer, autrement que par un "j'aime"... qui varie dans le temps. Parfois, je préfère Bach, et, parfois je préfère Mozart, quand ce n'est pas Debussy. Mon humeur changeante me fait apprécier "le plus" des musiques toujours différentes, et c'est la diversité qui fait mon bonheur. Le même oeuf servi répétitivement serait ennuyeux, morne... et très loin d'être parfait ! Cela pour moi seul, mais si je compare avec mes amis, c'est encore pire, car leur idée de la perfection (en admettant qu'il y en ait une, vu ce que je viens d'écrire) diffère généralement de la mienne. Or laquelle est la meilleure ? 

Bref, la perfection n'existe pas, et elle n'existe pas. De même que je récuse "le Beau", "le Bon"... Alors "la Perfection" ? Une idée enfantine.

jeudi 18 juin 2020

La cuisson "idéale" de l'oeuf ? Hic et nunc !



Il y  a plusieurs décennies, j'avais inventé ce que j'avais nommé des "oeufs parfaits", et ces oeufs sont sur les tables du monde entier.
Non pas qu'ils soient "parfaits", car la perfection n'est pas de ce monde, et je me repens de ce nom, que mes amis acceptent, tout comme ils acceptent l'idéalité, par exemple. Je renvoie à Mon histoire de cuisine pour des discussions qui expliquent ce point, lequel remonte au moins au débat des philosophes grecs de l'Antiquité Platon et Aristote.



En revanche, je réponds aujourd'hui à une question technique, à propos de ces oeufs :

Pour avoir une cuisson parfaite d’œufs de pintade qui ne sont pas calibrés et avec des coquilles d’épaisseurs très différentes, quelle température serait idéale ?

Ma réponse rapide est la suivante

Pour les cuisson à basse température, le temps ne compte pas, tant qu'on atteint la température à coeur, soit 45 min pour un oeuf de poule. Et l'épaisseur de coquille ne joue pas : du moment que vous faites une cuisson d'environ 1 h, seule la température détermine le résultat.
Et l'Idéal n'existe pas : il y a un idéal par personne, et d'ailleurs changeant selon les circonstances, les accompagnements de l'oeuf, etc.

Il faut quand même expliquer


Pour les oeufs, la découverte de mes "oeufs parfaits" s'explique plus facilement quand on considère le blanc. Ce dernier est fait de molécules d'eau, qui "grouillent", et de protéines, analogues à de minuscules colliers de perles tassés sur eux-mêmes, dispersés parmi les molécules d'eau.
Il y a une vingtaine de protéines différentes, dans le blanc, c'est-à-dire une vingtaine de sortes de colliers de perles. Mais, de même qu'il y a des milliards de milliards, etc. de molécules d'eau, dans un blanc d'oeuf, il y a des milliards de molécules de protéines pour chacune des sortes de protéines.
Quand on chauffe, on augmente la vitesse du grouillement, et les chocs des molécules d'eau contre les colliers de perles les déroulent. Et à chaque sorte de protéines, une température particulière à laquelle les molécules de cette sorte de protéines se déroulent. Autrement dit, il y a des températures différentes de "déroulement" des protéines.



Ce que l'on doit ajouter, c'est que pour certaines protéines, le déroulement permet ensuite que les protéines déroulées s'attachent, formant un "réseau" : pensons à une toile d'araignée dans tous les sens, dans une pièce. L'eau est piégée comme des mouches dans ce réseau. L'ensemble est dit "coagulé", et l'on obtient un solide mou.
De sorte que, quand on chauffe un blanc d'oeuf, à partir de la température ambiante, vient un moment (vers 62 °C pour le blanc d'oeuf de poule) où une première sorte de protéine coagule, et l'on obtient un solide blanc laiteux très mou. Puis, si l'on augmente encore la température, vient un moment où une deuxième sorte de protéines coagule, et le blanc d'oeuf, avec deux réseaux imbriqués, est plus dur. Et ainsi de suite.
On observe que, dans cette description, n'intervient que la température, et pas le temps ! Et voici la raison pour laquelle les oeufs à basse température doivent être cuits longtemps. C'est aussi un avantage, parce que si l'on règle bien la température, une heure de cuisson de plus ou de moins ne changeront rien... à condition que l'on ait atteint la température voulue à coeur, ce qui nécessite environ une heure pour des oeufs de poule.
Et évidemment, avec une telle durée, l'épaisseur de la coquille n'a aucune influence.

Et pour l' "idéalité" ?


Initialement, j'avais donc utilisé le mot "parfait" pour prendre le contrepied des mauvais oeufs durs : blanc caoutchouteux, jaune sableux, odeur soufrée, cerne vert horrible... Mais j'avais attribué ce qualificatif à des oeufs à 65 °C. Or je préfère aujourd'hui de loin les oeufs à 67 °C. Ou, disons plutôt que je choisis la température de cuisson en fonction des plats que je fais. Parfois, il faudra un oeuf à 65, comme pour dans une meurette ; parfois, il faudra à 68, comme quand on roule le jaune dans du parmesan salé et poivré ; parfois il faudra 82, comme quand on sert une mayonnaise ; etc. Chaque oeuf a  son intérêt, en fonction du contexte où il est utilisé.
Et puis, mon humeur peut changer ! Parfois, j'ai envie des oeufs à 63 °C, et parfois à 68 °C.
Et puis, le goût des convives peut différer, aussi.
Bref, pas de perfection absolue, pas d'idéalité !

Et c'est ainsi que l'art culinaire est merveilleux, n'est ce pas ?




jeudi 10 mai 2018

Il faut tendre avec effort à l'infaillibilité sans y prétendre



Je citais naguère, jusqu'en exergue d'un de mes livres, la devise du chimiste Michel-Eugène Chevreul : "Il faut tendre avec effort vers la perfection sans y prétendre". J'aimais cette idée d'un travail qui n'a pas de prétention, mais qui veut seulement - au fond, comme les séances d'amélioration de l'esprit de Michael Faraday- un petit mieux de la pensée. Et puis, j'aimais aussi cette idée qu'un travail acharné vient à bout de tout... ce qui est humain, sachant par ailleurs que la perfection n'est pas de ce monde, de sorte que l'on aurait été dans l'erreur de penser que l'on puisse atteindre la perfection. D'ailleurs, qui dit que l'imperfection n'est pas une caractéristique de la beauté ?


Tout cela était bien... mais je trouve, dans le livre Chevreul, un savant des couleurs, que cette devise que j'attribuais à Chevreul est prise à Malebranche, avec une variante : "On doit tendre avec effort à l'infaillabilité sans y prétendre".

J'y suis allé voir de plus près, et j'ai trouvé, dans Nicolas Malebranche (La Recherche de la Vérité, Livre Premier : Des Sens. https://fr.wikisource.org/wiki/De_la_recherche_de_la_v%C3%A9rit%C3%A9/Livre_I) :
"S’il est donc vrai que l’erreur soit l’origine de la misère des hommes, il est bien juste que les hommes fassent effort pour s’en délivrer. Certainement leur effort ne sera point inutile et sans récompense, quoiqu’il n’ait pas tout l’effet qu’ils pourraient souhaiter. Si les hommes ne deviennent pas infaillibles, ils se tromperont beaucoup moins, et s’ils ne se délivrent pas entièrement de leurs maux ils en éviteront au moins quelques-uns. On ne doit pas en cette vie espérer une entière félicité, parce qu’ici-bas on ne doit pas prétendre à l’infaillibilité ; mais on doit travailler sans cesse à ne se point tromper, puisqu’on souhaite sans cesse de se délivrer de ses misères. En un mot, comme on désire avec ardeur un bonheur sans l’espérer, on doit tendre avec effort à l’infaillibilité sans y prétendre.
"Il ne faut pas s’imaginer qu’il y ait beaucoup à souffrir dans la recherche de la vérité ; il ne faut que se rendre attentif aux idées claires que chacun trouve en soi-même, et suivre exactement quelques règles que nous donnerons dans la suite. L’exactitude de l’esprit n’a presque rien de pénible ; ce n’est point une servitude comme l’imagination la représente ; et si nous y trouvons d’abord quelque difficulté, nous en recevons bientôt des satisfactions qui nous récompensent abondamment de nos peines ; car enfin il n’y a qu’elle qui produise la lumière et qui nous découvre la vérité."

Il est donc question ici d'infaillibilité, et non de perfection. C'est bien plus intéressant, car l'infaillibilité est accessible ; disons plus accessible que la perfection. Mais nos efforts, dit Malebranche, ne doivent pas nous rendre présomptueux, prétentieux...
D'ailleurs, il n'est pas anodin que cette discussion soit d'un prêtre, et qu'il soit en réalité question non pas de sciences de la nature, mais sans doute bien plus de position théologique ou morale.


samedi 11 mars 2017

Le petit tondeur de gazon

Siegfried était un jeune garçon dont le père était mort, et dont la mère peinait à subvenir aux besoins de la famille restante : elle, le garçon et sa petite soeur. Le jeune homme avait le sentiment qu'il devait contribuer aux finances familiales, et il cherchait tous les petits travaux qu'il pouvait faire, en plus de l'école.
Courageusement, au lieu de rentrer goûter et faire ses devoirs, il allait chez les uns et chez les autres pour donner un coup de main et gagner quelques sous. Une livraison pour l'épicier d'en bas de chez lui, monter des bouteilles d'eau chez une dame âgée, nettoyer des voitures, cirer des chaussures. Tout le monde aimait bien ce petit brun courageux, qui souriait malgré l'adversité, et qui n'était jamais aussi heureux que quand il rapportait l'argent gagné à sa mère. Et là, le soir, quand les autres regardaient la télévision, il se mettait à ses devoirs et leçons du lendemain, pendant que sa mère s'occupait de faire dans le petit appartement tout ce qu'elle-même n'avait pu faire dans la journée, ménage, cuisine, lavage, repassage... Parfois, Siegfried sentait sa tête lourde, ses paupières tomber... et il se secouait pour arriver jusqu'à l'heure où, dans son lit, il glissait immédiatement dans un sommeil réparateur, toujours trop court hélas.

Un jour, passant devant une belle propriété, avec la maison séparée de la rue par un immense gazon, des arbres, des bosquets fleuris, il eut l'audace de  s'arrêter pour sonner pour proposer ses services de jardinier. Arriva un homme âgé, l'air fâché.  "Que veux-tu?
 - Bonjour Monsieur, je voulais vous proposer de vous aider avec du jardinage.  - Du jardinage ? Mais tu n'es pas jardinier !"
L'homme commençait à repartir vers la maison, quand Jacques lui dit :
"S'il vous plaît, je vous assure que je sais faire des tas de choses".
L'homme se retourna : le "s'il vous plait" bien énoncé semblait lui avoir plu. Il jeta un oeil amusé au tout petit garçon (car Jacques était un des plus petits de sa classe).
 "Mais imagine que tu te blesses. C'est moi qui serais responsable.
 - Maman pourra vous dire que je fais bien attention.
 - Et ton père, il en pense quoi ?"
Siegfried expliqua, les yeux mouillés, que son père était mort, et l'étincelle de sourire s'éteignit dans les yeux de l'homme, qui lui dit :
" Bon, allez, d'accord, mais à l'essai !"
Et l'homme expliqua à Siegfried qu'il avait besoin d'un entretien hebdomadaire de trois heures environ, et qu'il lui donnerait entre 0 et 40 euros pour une heure, oui, jusqu'à 40 euros, selon la qualité du travail effectué. Il viendrait le mercredi après midi, pourrait utiliser les outils de la remise, et, après chaque séance, ils feraient ensemble un tour du jardin pour fixer la rétribution. Mais attention, plus de trois fois de suite moins de 10 euros et ce serait fini. Siegfried accepta aussitôt, et rendez vous fut pris pour la semaine suivante.

Au cours de la semaine, Jacques fut très impatient de ce nouveau travail régulier, qui le changerait, le ferait travailler dans un joli endroit. Et le mercredi suivant, il fut parfaitement à l'heure. Il sonna, l'homme lui ouvrit, lui montra la remise, et le conduisit dans le jardin, où il s'arrêta à chaque endroit où une intervention était nécessaire. Il n'était pas nécessaire de tailler les massifs, et il fallait seulement s'occuper du gazon... mais la taille de celui-ci devait être parfaite.
L'homme le laissa à sa tonte, et Siegfried se retroussa les manches. Il prit la tondeuse, une de ces tondeuses mécaniques anciennes dont les roues actionnent le ciseau circulaire, et il poussa. Comme il voulait faire bien, il fit systématiquement, en partant des bords. Il tondait, il tondait... et l'heure passait. Il se fatigua un peu, reprit du courage, et parvint péniblement à achever le travail, deux heures et demie plus tard. Ayant rangé le matériel dans la remise, il alla sonner à la maison, et l'homme sortit. Ils firent le tour du jardin, mais Siegfried vit alors toutes les imperfections. L'homme, impassible après le tour en commun, lui dit : "Ce n'est pas terrible, mais bien sûr, c'est la première fois. Je propose 8 euros seulement. Et vous allez vous améliorer, j'espère".
Siegfried était un peu confus : oui, maintenant, il voyait que, par endroits, il avait laissé des herbes ; ailleurs il avait mal ramassé le gazon coupé. Et les bordures étaient mal faites.

La semaine suivante, il s'était promis de faire mieux. Même rendez vous, même rituel, mais cette fois, il savait ce qu'il devait améliorer, et le tour du jardin fini conduisit l'homme à lui proposer 11 euros : encore inférieur aux 15 euros fatidiques. D'ailleurs, l'homme le lui fit remarquer. Et Siegfried, qui avait bénéficié des commentaires sur son travail, se dit qu'il y arriverait.
Et il y arriva  : la troisième semaine, il gagna 16 euros. Bien plus qu'il n'avait jamais eu. Bien sûr, il était épuisé, mais tellement content, quand il rentra à la maison. Et ainsi, de semaine en semaine, il apprit à connaître le jardin, la forme des allées, les endroits où le sol était plus humide, ceux où le gazon était plus dur. Il ne se limitait plus à la tondeuse, utilisait les cisailles pour fignoler les bords. Surtout, il avait compris que le ratissage final était essentiel, et que s'il repassait parfois derrière, il améliorait : un jour, il gagna 21 euros.
Mais le plus souvent, c'était 16, 17...
Un jour, l'homme lui fit remarquer qu'il n'était guère au-dessus de 15, et qu'il n'avait donc pas beaucoup de talent ou d'ambition. Il fit la remarque sans acrimonie, mais avec un peu de mépris, en passant, dans la conversation.
Siegfried fut vexé. Lui, médiocre, alors qu'il se donnait tant de mal ? Il se décida à faire mieux, et les semaines suivantes, aiguisant les lames de la tondeuses sur la pierre à fusil, soignant les bordures, tondant à nouveau, après avoir ramassé, pour les parties les moins propres, il gagna 30 euros. Il était épuisé et heureux.
Mais vinrent des semaines où il n'avait plus le courage de faire tant d'efforts. Il redescendit à 15, 17, 20, 15 à nouveau... Et l'homme lui faisait alors remarquer qu'il était loin de son record, et bien bas dans l'échelle des résultats.

Un jour d'été, alors qu'il faisait spécialement chaud, Siegfried tondait en transpirant, et en ruminant cette idée : oui, il n'avait jamais dépassé 30 euros, et il était loin des 40. Bien sûr, l'homme lui avait dit que c'était impossible d'atteindre 40, mais quand même, il y avait de la marge. Et puis, c'était vrai que son travail était parfois insuffisant, et il le savait bien, même avant de voir se lever le sourcil de l'homme qui observait des herbes plus hautes que d'autres, un trou de taupes mal rebouché, un peu de gazon pas ramassé...
Siegfried tondait, tondait en transpirant, et il se disait que, cette fois, il n'aurait guère plus que 18 à 20 euros.
Et encore, s'il faisait bien ! Car il faisait si chaud qu'il avait bien du mal à travailler. Si chaud qu'il dût s'arrêter, s'asseoir un moment sous un arbre. Un tilleul donc l'ombre était fraîche.
Et là, il s'assoupit. En rêve, il voyait le gazon, les herbes coupées, les bandes tondues... Mais il y eut ce klaxon d'un véhicule qui passait pas loin du jardin. Et il se réveilla. Il avait soif : il alla se désaltérer au robinet extérieur. L'eau était glacée. Il s'en aspergea le visage... et il sursauta : quoi, ne luttait-il que pour les 30 euros qu'il avait eu un jour qu'il s'était donné un mal particulier. Non ! Il fallait atteindre 40. Pas pour la somme que cela représentait, cette somme considérable qu'il rapporterait avec fierté. Pour la fierté elle même, la fierté d'avoir atteint l'inaccessible.
Avec une énergie inouïe, il se remit au travail, mais ne s'arrêta pas à ce qu'il faisait d'habitude, quand il fignolait par endroits, après avoir fini de tout tondre. Cette fois, ayant tout tondu, ayant tout ramassé, il décida de repasser partout, sans laisser un seul pan de côté. Et il ramassa une seconde fois. Puis, il revint sur les bordures, affûta à nouveau les cisailles, recoupa encore, ramassa au rateau les moindres traces d'herbe coupée, et allant jusqu'à faire des dessins sur les graviers des allées, comme il l'avait vu faire dans un monastère japonais. Et il repartit à ramasser l'herbe coupée, encore mieux, encore mieux, encore mieux.

Il ne voyait pas le temps passer, mais, à un moment, l'homme sortit :
 - Tu es encore au travail ?
 - Oui, et vous allez voir ! Aujourd'hui, c'est 40 !
 - Allons, tu exagères...
Ils firent le tour du jardin, et Siegfried ne regardait plus le gazon, mais le visage de l'homme. Il savait ce dernier impassible, mais il vit parfois le sourcil se lever, puis des sourires, et encore une expression curieuse, qu'il n'avait jamais vue. Puis l'homme s'arrêta, sans mot dire ; il sortit son portefeuille, lentement, l'ouvrit, et sortit un billet de 20, un billet de 10... Siegfried avait le coeur qui battait. Un billet de 5... et encore un billet de 5. C'était le plus beau jour de sa vie !


vendredi 10 février 2017

CV

Des élèves qui font un TPE me demandent un cv à jour. J'en mets un sur https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/ 


Cela dit, s'il est à jour, il est bien incomplet, parce que je ne parviens pas à suivre tout ce que je fais... et que cela ne m'intéresse pas : moi, c'est ce que je fais qui me passionne, pas ce que j'ai fait.
Dit autrement, j'utilise bien sûr mes erreurs pour m'améliorer, mais la question est plutôt : comment faire toujours mieux ? Dans un de mes livres, je cite Michel Eugène Chevreul, qui disait "tendre avec effort vers la perfection sans y prétendre"... mais l'idée de la perfection nous empêtre : ne pouvons-nous nous contenter de faire de mieux en mieux ?

jeudi 14 juillet 2016

Un billet macaronique... puisqu'il est question de perfection

Puisque tout est toujours perfectible, que vais-je améliorer aujourd'hui ? Puisque tout est toujours perfectible (d'accord, c'est un postulat), que vais-je perfectionner aujourd'hui ? La phrase est... perfectible ;-), non, disons améliorable : si n'est de parfait ne peut exister dans ce monde, on ne peut  pas perfectionner, mais seulement améliorer.

Bref, si tout est toujours perfectible, que vais-je améliorer ?  Ici, il y a  une résonance avec une autre maxime qui est « Tout ce qui est humain est imparfait, de sorte que si nous ne sommes pas paresseux, nous devons chercher des améliorations ». Un écho se trouve également dans cette phrase du chimiste Michel Eugène Chevreul, qui découvrit la constitution chimique des graisses et la loi du contraste simultané des couleurs, notamment : « Il faut tendre avec efforts à la perfection sans  y prétendre ».

A la base de tout cela, il y a l’hypothèse selon laquelle  tout ce qui est humain est imparfait. Je ne veux pas chercher à discuter cette hypothèse, que je préfère prendre comme un postulat, car ce dernier me conduit presque automatiquement à chercher des améliorations.
Dans cette discussion, qu'il y ait perfection ou pas,  il y a un critère de valeur. Or, au minimum, la recherche de l'amélioration   conduira, si l'on est un peu attentif, à une analyse des critères retenus pour juger de la perfection ou de l'amélioration, de sorte que l'on pourra légitimer notre hypothèse ou, au contraire, affiner les critères pour ensuite obtenir de nouvelles idées.

Car c'est bien là l’objectif : trouver de nouvelles idées  méthodes, concepts, notions… Il y a une dynamique extraordinairement positive dans cette phrase, qui, au minimum, induit la possibilité de validation.
Validation : le mot est insuffisamment dit aux étudiants en sciences de la nature, qui confondent souvent une vérification avec une validation. La validation, cela consiste à trouver une autre méthode, un autre calcul, différent d'un premier qui nous a donné un résultat, pour obtenir le même résultat, pour valider le premier résultat. Souvent, dans un calcul un peu difficile, on est déjà bien content d'avoir trouvé une solution, et l'on s'arrête à ce contentement, mais, en sciences de la nature,  le contentement n'est pas suffisant, et il faut y revenir, et y revenir encore, afin de trouver des validations, d'autres manières d'obtenir le résultat.

Plus généralement, dans la phrase « Puisque tout ce qui est humain est imparfait, il ne faut pas être paresseux et chercher à améliorer ; que vais-je améliorer aujourd'hui ? », il y a  cette dynamique très positive du « aujourd'hui ». Il nous faut de bonnes raisons de nous lever le matin ; il nous faut chaque jour un objectif bien particulier, et cette phrase propose effectivement un tel objectif : chaque jour, je me lève afin, au minimum, d'aller améliorer le travail que j'ai déjà fait. Nul doute que, ce faisant, je serai conduit à des résultats nouveaux.

Enfin, nous n'avons pas épuisé la question d’améliorer ou de perfectionner. Perfectionner, cela signifierait rendre plus parfait. Je ne crois pas que ce soit un objectif bien tenable, de   sorte que je préfère parler d'améliorer, qui signifie rendre meilleur. Plus généralement je m’interroge vraiment sur ce mot de « perfectionner',  et j'ai  peur qu'il fasse partie de ces termes qui n'ont pas grand sens comme « carré rond », par exemple. Peut-on vraiment perfectionner ? On est ramené à la discussion sur les critères, et je m'arrête là en me promettant de faire bien attention à l'emploi de ce mot pour le remplacer plus modestement par un « améliorer », qui sera à la hauteur de mes compétences… et de mes efforts.

lundi 11 avril 2016

Il faut tendre avec efforts à la perfection sans y prétendre.

"Il faut tendre avec efforts à la perfection sans y prétendre" : cette phrase vient de Michel Eugène Chevreul, ce remarquable chimiste qui fut  plusieurs fois président de l'Académie des sciences, non pas par goût du pouvoir, mais parce qu'il avait découvert la constitution chimique des graisses, découvert la loi du contraste simultané des couleurs, et j'en passe, de sorte que sa stature scientifique le faisait primum inter pares

Cette phrase me paraît tout à fait merveilleuse, parce qu'elle incite à travailler, mais elle reconnaît quand même que la perfection n'est pas de ce monde. On peut la viser, mais il ne faut pas avoir la prétention de l'atteindre, car elle est inaccessible, au moins par postulat, ce qui est une façon très positive de nous encourager à travailler sans cesse pour  améliorer ce que nous faisons.
On trouve évidemment des idées exprimées ailleurs, ce qui n'est pas étonnant car si j'ai mis cette phrase de Chevreul qui dans ma collection, c'est qu'elle correspond bien aux  valeurs que je propose.
Dans la citation, il y a « avec efforts », et la connotation de cette expression peut paraître négative : des efforts ! Pourtant, on trouve le mot "force" dans effort, et cela n'a rien de péjoratif. Oui, il faut y mettre nos forces, mais pourquoi cela serait-il mauvais ? C'est un plaisir d'exercer sa force, non pas seulement physique, mais morale. Le philosophe Alain avait ainsi proposé des exercices  de bonne humeur. Il nous invitait à nous confronter à des situations de plus en plus difficiles afin de nous assurer que nous devenons capables de vivre dans la bonne humeur. Je maintiens que l'optimisme est une politesse qui s'apprend, et je vois les exercices de bonne humeur d'Alain comme une façon de faire. Je ne pas que la vie est toujours gaie, avec les décès, avec les maladies, etc., mais je dis que nous devrions avoir la politesse de proposer aux autres un visage souriant, positif, et je maintiens que cela s'apprend. Ce n'est pas un don du ciel ! C'est un travail constant que d'afficher des sourires afin de rendre les autres heureux, au lieu de se morfondre égoïstement. On se souvient de ce livre amusant de la comtesse de Ségur : Jean qui rit et jean qui pleure. C'était une caricature, évidemment, mais c'était surtout une leçon de morale ; je la prends pour telle, et je propose que nous la faisions connaître.
Oui, faisons la promotion de l'effort, du travail, du soin, de l'attention, de la politesse… Le grand physico-chimiste Michael Faraday allait le soir à son club d'amélioration de l'esprit. Récemment, j'ai rencontré un étudiant qui me demandait ce que cela signifiait. Je crois que j'ai trouvé la réponse : améliorer son esprit, c'est beaucoup de choses, mais c'est notamment apprendre à voir le verre plus qu'à moitié plein. Je propose cette phrase de Chevreul : il faut tendre avec efforts vers la perfection sans y prétendre.

Au fait, le rapport avec la recherche scientifique ? La phrase s'impose, parce qu'elle vient de Chevreul, mais, en réalité, elle s'impose à tous, non ?